C'est une devanture où y a marqué « Bar à vins » ce dont vous pouvez cartésiennement douter devant l'absence de tables et de zinc. Patience mes Preux, le motif est au fond du boyau, au bout d'un couloir de vin qui forme le magasin sus-nommé. C'est à vue de nez la même enseigne qu'un autre mastroquet des Halles dont nous reparlerons si nous ne partons pas en croisades contre la SNCF (elle prétend anéantir le mourvèdre du Château Pradeaux - signez la pétition de Portalis !), mais question cadre, c'est beaucoup plus sympa. En hiver, le lieu constitue une halte casse croute enfumée et vineuse dans un entre-cuite abbatial loin des casse-couilles voisins des Sancerrois et autre St Jean.

On s'affairera sans soupçons aucun auprès d'un Tricastin Vieilles Vignes ou un Sancerre honnête. Intéressant pour ne pas être d'accord avec l'autre, ce St Joseph rouge de chez Lantheaume qui change d'une bouteille et d'un millésime à l'autre du suave au corsé, ou du vinaigre alcooleux en attaque à la récurrence caca de fin de bouche. Les évolutions de cette propriété m'ont toujours dérouté (là je fais du Parker) depuis le lumineux souvenir d'un St Joseph blanc 94 qui pouvait niquer n'importe quel Hermitage classique. Après avoir rencontré le vieux Lantheaume aux Caves Part', je me suis toujours demandé s'il ne chiait pas dans ses cuves les soirs de bombances. (là je ne fais pas du Parker). En tous cas un vin changeant qui peut se réveler le meilleur souvenir de la soirée. Il y a des Alsaces neutres comme un Suisse et pas trop chers dont ma mère a raffolé pendant des années et qui n'ont pas eu l'air d'abîmer sa santé ce qui est bien. Il règne d'habitude dans ce corridor oenologique une ambiance de fourmilière qui vous laisse une paix royale pour regarder la marchandise et gamberger en votre faible intérieur les réminiscences Bettaniques, car je vous connais mes preux, vous êtes des cérébraux, des palais pensants au porte monnaie revêche et plat...

Cependant, l'enhardissement est de mise et si vous leur causez, les tôliers vous répondent dans votre langue maternelle sauf si vous leur demandez de déguster l'illustre Bourgogne de la carte dont ils viennent justement de finir l'ultime bouteille. Un lieu tranquille à la clientèle panachée entre des touristes moins cons et des habitués qui ont connu l'époque où la Butte avait soif. Les Assiettes de cochonaillou-fromages sont honnêtes et renouvelées plus souvent que la carte. A noter pour les amateurs de sensations à l'entrée du Mannezingue, un bref casier où se planquent d'improbables antiquités du genre Corton trentenaire avec étiquette arrachée ou un rouge poussiéreux ou le « TIN » du bout de papelard accroché au goulot peut aussi bien sous entendre « ChamberTIN » que « TricasTIN » ce qui en millésime 69 ne signifie pas la même chose. Ne me parlez pas de forme des bouteilles car le cocasse est qu'elle n'en ont plus comme les volumes surréalistes du regretté Miro. J'ai toutefois de mes yeux vu un dogue allemand égaré de la rue au bout d'une laisse fatiguée comme un préservatif du dimanche à l'aube baver longuement sur l'une des boutanches un long filet blanchâtre et partir tête basse en gémissant. Comme les vestiges valent dans les 300 balles, ç'est pas très cher pour une plongée dans le sublime et hémoroïdien pour de la pisse de zébu mais qui ne risque rien...Chiche ?

Vous pouvez toujours tenter une incursion jusqu'au Bacchus du fond de la rue où un jeune homme tout en sourire vous expliquera très sérieusement que l'Hermitage La Chapelle 97 est meilleur que le 96 et même que tout les autres millésimes...Ne surtout pas répliquer car 1) je ne suis pas sûr qu'il n'en soit pas convaincu et par ces périodes talibanes il y a des dérives auxquelles il vaut mieux ne pas répondre. 2) Dans le cas contraire et compte tenu de la conjoncture, je me demande si vous n'en feriez pas autant voire pire à sa place.

Refuser avec énergie le Vannières 97 très en dessous de son petit frère prématurément disparu des caves parisiennes car la ville est rempli de salopards friqués et moins snobs qu'auparavant. Tester au besoin le (trop cher) Cotes de Tongues, cuvée de l'Arjolle, fin comme un sketch de Bigard mais à goûter parce que c'est pas mauvais.

Prendre le coude de la rue Lepic et tourner à une maison aux niches sculptées de naïades nues et graciles (non ce n'est pas dû à la cotes de Tongues !). Passer devant une superbe cour à double escalier empire sur la gauche et au besoin, y déboucher un de vos achats pour un arret buffet.

Sinon, il y a le petit parc inconnu du haut Burq (2ème à gauche) où il n'y a tellement personne que cela en est divin. Noter pour un retour nocturne le cinéma « Studio 28 », salle géniale jouissant d'un jardin intérieur romantiquissime à condition de n'y boire que le pastaga car le vin du cru a même fait décarer les cosaques du moulin de la Galette en 1815. 

Pour l'après cinoche, attention : un des bars a vins les plus chouettes de paris et même d'au delà avec du Beaucastel 95 à 350 balles, toutes les cuvées de Bressy, les vieux Haut Coustias d'Alary, des bourgognes mythiques et des carafes mystérieuses laissées par de Ligneris (château Soutard) en vadrouille la veille et bues en fin de nuit à même le zinc, un accueil dément, une cuistance savoureuse et dédiée à mettre le vin en valeur (oeuf en meurette), et un accordéon occasionnel...Bref, le pied total ! (j'en cause pas plus parce que c'est pas des cavistes).

Redescendre la rue pour retomber sur les Abbesses et prendre ce coup-ci sur la droite vers le métro.
Respirer le bon air en écoutant le temps de saison. Se dire que la vie est belle. Traverser la place et...

Suite au prochain numéro....

P.S: les adresses des lieux cités sont
"Cave des Abbesses" 43 rue des Abbesses;
"Le moulin à vent" 6 rue Burq, 18ème.

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