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Technique de la dérive

et intérêt de la méthode

 

Les situs ont mis en pratique une méthode, qu'ils appelaient dérive, afin d'appréhender le milieu urbain. Elle fut abandonnée pour diverses raisons. Je vais ici définir une dérive au sens plus large, incluant la dérive situ.

 

 

Technique de la dérive


Un individu peut décider, lorsqu'il est en milieu urbain, de "dériver". Il oublie alors toute considération due à ses soucis du moment, à son passé (personnes ou lieux à éviter, lieux agréables pour des raisons affectives, etc...). Il doit calquer son déplacement sur la manière dont il ressent le lieu, sa fréquentation, son aspect, au moment où il l'aborde. A chaque bifurcation, il doit se poser la question de la direction qui l'attire le plus. Ensuite, il décide d'agir selon un schéma prévu à l'avance.

Exemple : K.Marx arrive à un carrefour en centre ville. Il vient de traverser de petites ruelles piétonnes et se retrouve face à un boulevard. Il est 2 heures de l'après-midi, par une belle journée de juin. Il lui vient plusieurs désirs à la fois: aller visiter un magasin d'informatique (mauvais), longer le trottoir parce qu'il a une légère phobie des voitures (mauvais), aller frapper à la porte de son pote Bakounine qui est à une rue de là (mauvais), accoster une personne dans la rue pour la convaincre de le suivre (bon), se diriger vers la rue d'en face où il se forme des ombres attirantes (bon).

Les décisions que l'on prend ensuite peuvent être de toutes sortes, voici celles que j'ai personnellement expérimentées:

-suivre la direction attirante. C'est la dérive que je conseille pour "apprendre" à dériver.C'est aussi celle qui apporte le plus grand enrichissement personnel au début.

-suivre l'opposé de la direction désirée. Cette expérience est à tenter une fois ou deux, mais ceux qui la feront comprendront pourquoi il ne faut pas la faire systématiquement . (du moins, je l'espère pour eux !)

-suivre un chemin déterminé à l'avance, en faisant simplement attention aux désirs qui viennent. Ce type de dérive est très difficile à réaliser, car elle demande une perception rapide et fine des désirs.

Pour se mettre en état de dérive:

Le premier effort à faire est de calmer le stress dû au passé immédiat du dériveur.Pour ceci, je connais trois méthodes, toutes aussi efficaces. La première est de s'asseoir sur un banc public s'il y en a un, (sinon on peut rester debout), et de visualiser les alentours. On regarde les bâtiments les plus proches, leur architecture, les reliefs qui sont perceptibles. S'il y a une source, on peut regarder couler l'eau. On peut aussi voir passer la foule si la rue est très passante. Le but est d'acquérir la perception de ce qui bouge et de ce qui est fixe.Une fois que l'on ressent profondément le mouvement dans le décor fixe, dès que l'on perçoit autre chose qu'un chahut désordonné dans la rue où l'on se trouve, on peut commencer à se poser la question de l'endroit vers lequl on est le plus attiré. Normalement, on n'a pas à se poser cette question car une attirance sourde vers une direction donnée apparaît lorsque le niveau de stress devient acceptable. La deuxième méthode est auditive, mais est déconseillée aux personnes ayant une oreille déficiente. Lorsque l'on est en ville, on ne fait plus attention aux bruits ambiants (les écolos appellent ça la pollution sonore). Notre cerveau se donne en fait une carapace face à ce bruit de fond permanent. Le but de la deuxième méthode est d'affaiblir provisoirement cette carapace. Pour cela, prenons par exemple un carrefour normal, doté de feux tricolores. Une première phase est de regarder fixement le carrefour, en esayant de distinguer les bruits des moteurs des voitures qui s'y trouvent. Lorsque la perception est assez nette, il faut alors tourner son attention vers l'ensemble des bruits qui nous entourent, et arriver à déterminer les mouvements autour de soi. Puis se rendre dans une rue un peu plus calme, et regarder autour de soi en se posant la question de a direction que l'on veut prendre. La troisème méthode s'adresse aux personnes ayant déjà pratiquée la relaxation. Les deux méthodes précédentes sont une simplification de cette dernière pour les gens ne sachant pas se relaxer. La méthode consiste à se détendre , si possible en se déplaçant. Puis on concentre son attention sur les lieux que l'on traverse. La personne peu stressée va alors percevoir des "variations d'angoisse", certaines agréables, d'autres non. La dérive que je propose en premier lieu consiste à se diriger vers les variations agréables

Les situs ont découvert par hasard un autre moyen. Il consiste à passer de manière hâtive dans des ambiances variées. Il suit alors une dérive naturelle, très rapide et très intense.

Le second effort est le plus important, car il détermine la qualité de la dérive. C'est un effort d'attention à ses envies. Il faut bien entendu y faire attention à chaque carrefour, mais on peut quelquefois avoir envie, en pleine rue, de s'arréter, ou de repartir dans le sens inverse, ou de boire ou de manger. Ce sont ces impressions-là, non "institutionnalisées" par la présence d'un carrefour, qui sont les plus importantes.


La dérive situ et celle que je propose

La dérive situ diffère de celle que je propose parce que les situs cherchaient à changer d'ambiance le plus rapidement possible. Or, en dérivant de la manière que je propose, on se rend très vite compte que c'est un des meilleurs moyens d'avoir une dérive agréable. Une objection que l'on m'a faite est que, si l'on veut avoir une dérive agréable, il suffit de rester où l'on est. J'ai essayé, mais je ne trouve pas que cette dérive soit plus agréable que celle que l'on opère "en se déplaçant". De plus, l'être humain ne peut rester tout le temps dans un même endroit: lorsque quelqu'un est cloitré dans sa maison, il lui prend tôt ou tard l'envie de faire une petite promenade... ce qui entame réellement une dérive ! Cependant, je ne suis pas expert dans la dérive situ (j'ai très vite " fait mon beurre" avec les premiers textes qui me sont passés entre les mains). Que les néo-situs me pardonnent si j'ai blasphémé!

Ceci dit, il se peut que l'on constate des variation d'un individu à l'autre sur la dérive "optimale". Les situ reconnaissaient que le comportement d'une foule en état de dérive ressemblerait à une loi de déplacement aléatoire liée à une probabilité. Les recherches actuelles sur la dérive des consommateurs en supermarché ont pour but de calculer la probabilité d'amener le client (le gogo) vers un rayon et un article donné. Des expériences dans ce domaine sont à tenter, afin de définir des causes aux variations de "chemin optimal"


Pourquoi dériver ?

D'abord parce que c'est agréable. La pratique de la dérive nous fait garder le rapport à la réalité , et c'est à ce moment-là que l'on se rend compte de l'état dans lequel une personne active est quotidiennement.Il arrive même que certaines personnes deviennent plus sensibles et améliorent des capacités d'écoute de l'autre suite à des dérives successives. Cet exercice est de plus facile à réaliser, et ne nécessite aucun environnement particulier (j'ai décrit là a dérive en ville, mais on peut ausi dériver en pleine campagne)

Ensuite parce qu'il y a là une expérience qui n'a pas été menée à terme. Cette expérience est à rapprocher du texte pour une théorie du concept, que l'on peut trouver sur le site www.cs3i.fr/abonnes/do/

Enfin, parce qu'il faut faire la révolution, et que seuls des individus libérés de toutes leurs chaines pourront arriver à vivre heureux.