Les Pyramides

Les plus célèbres tombeaux des rois et des reines d'Egypte. On distingue les pyramides régulière, comme celle de Kheops ; les pyramides à degrés, comme celle de Djeser ; les pyramides rhomboïdales comme celle de Snefrou. Toutes ces constructions obéissent à des croyances religieuses et à des rites magiques, sur lesquels les égyptologues les plus sérieux sont beaucoup plus sobres d'explications que de nombreux et prolixes amateurs. S'il existe une pyramidologie très sujette à caution, quant aux rapprochements entre la science des pharaons et celle des savants modernes, il n'est cependant pas interdit d'interroger les croyances anciennes pour percevoir les raisons de ces constructions colossales. La pyramide participe du symbolisme du tertre dont le corps des défunts était recouvert, elle est un tertre de pierre, gigantesque, parfait, poussant au maximum les garanties magiques attendues des plus humbles cérémonies funéraires. On imagine sans peine que le tertre, bien que purement utilitaire à l'origine, fût censé évoquer la colline qui émergea des eaux primordiales lors de la naissance de la terre et représenta ainsi l'existence. La mort pouvait donc être combattue sur le plan magique par la présence de ce puissant symbole.

Une autre interprétation, qui s'ajouterait à la précédente sans la contrarier, vaudrait surtout pour les rois : selon des croyances héliopolitaines, le roi qui cessait de vivre sur la terre allait rejoindre, et peut-être s'identifier à lui, le Dieu soleil. C'est pourquoi la pyramide était aussi un symbole ascensionnel, tant par sa forme extérieure, particulièrement quand ses degrés s'appellent l'escalier ou l'échelle, que par ses couloirs intérieurs généralement très inclinés. Les arêtes de la pyramide et l'inclinaison même de ses couloirs intérieurs pouvaient également figurer les rayons du soleil tels qu'on peut les voir descendant sur la terre par une déchirure des nuages. Toutes ces dispositions symbolisent le pouvoir du roi défunt de monter au ciel et d'en redescendre à son gré. Pour Albert Champdor, ces masses architecturales avaient été conçues pour frapper de stupeur les peuples et protéger la minuscule chambre mortuaire qui en était comme l'âme dérisoire et dans laquelle,, datant le cadavre momifié du pharaon, s'accomplissaient dans les profondeurs d'un mystère inviolable les rites de la résurrection osirienne.

D'après A.D. Sertillanges, la pyramide renversée sur sa pointe est l'image du développement spirituel : plus un être se spiritualise, plus sa vie s'agrandi, se dilate, à mesure qu'elle s'élève. De même, sur le plan collectif : plus un être se spiritualise, plus grande est la société d'êtres personnalisés à la vie desquels il participe.

La pyramide a la double signification d'intégration et de convergence, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif : image la plus sobre et la plus parfaite de la synthèse, elle est comparable à ce titre, à un arbre, niais à un arbre inversé, la base du tronc servant de pointe. Les collectivités dissociées devenant cités intégrées dans un Etai organisé, cités convergentes, telle est la signification des pyramides érigées à l'époque où les groupes tendent à se coordonner pour constituer la synthèse nationale égyptienne... L'orientation vers la synthèse sociale s'exprima d'abord par la projection concrète du symbole de cette synthèse, par l'érection de la pyramide, image de convergence ascensionnelle. L'érection de la pyramide fui l'expression d'une synthèse encore très inconsciente des hommes. Mais, en projetant concrètement le fruit de sa synthèse internes l'homme affermit sa tendance à la synthèse nationale. Et dès lors la pyramide bâtie joua au regard des, Égyptiens le rôle d'une image motrice, renforçant en chacun le s tendances à la prise de conscience individualisatrice et socialisatrice.
 
Convergence ascensionnelle, conscience de synthèse, la pyramide est aussi lieu de rencontre entre deux mondes : un monde magique, lié aux rites funéraires de retenue indéfinie de la vie ou de passage à une vie supra temporelle ; un monde rationnel, qu'évoquent la géométrie et les modes de construction, Il était inévitable que les amateurs de mystères s'émerveillassent d'une telle rencontre y vissent tantôt l'explication divine de la géométrie et tantôt la justification de la magie par les mathématiques.
Les rapports géométriques de la grande pyramide de Gizeh ont ouvert la voie a d'autres interprétations, qui font retrouver le symbolisme des alchimistes. On sait que le périmètre du carré de base (de cette pyramide) est sensiblement égal à la longueur d'une circonférence de rayon égal à la hauteur, ce qui revient à dire que le rapport de la base carrée et du cercle est exprimé dans l'élévation. 
Rien de plus simple, dès lors, que d'imaginer une circonférence, dont le rayon aurait la hauteur de la pyramide et qui pivoterait sur le sommet de celle-ci, soit à la verticale comme une roue soit à l'horizontale comme un disque, soit en oblique sur tout autre plan ; on peut aussi bien imaginer une sphère dont l'axe serait celui de la pyramide et dont la circonférence aurait la même longueur que le périmètre de la pyramide : les alchimistes verraient là un exemple de solution du problème de la quadrature du cercle. Mais un second rapprochement peut se faire : les quatre faces triangulaires (de la pyramide) unies par un sommet correspondraient à la synthèse alchimique des quatre éléments, dont l'ascension enfin serait une création du cercle correspondant à l'éther, alchimiquement symbolisé par le cercle... La dialectique du carré et du cercle symbolise la dialectique de la terre et du ciel, du matériel et du spirituel.

Après avoir étudié les rapports géométriques de la Grande Pyramide, Matila Ghyka conclut : il est probable que l'architecte de la Grande Pyramide n'était pas conscient de toutes les propre étés géométriques que nous y découvrons après coup, ces propriétés cependant ne sont pas accidentelles, mais découlent en quelque sorte organiquement de l'idée maîtresse consciemment enchâssée dans le triangle méridien. Car une conception géométrique synthétique et claire fournit toujours un bon plan régulateur, celui-ci a l'originalité d'enchaîner dans la rigidité cristalline et abstraite de la Pyramide une pulsation dynamique, celle même qui peut être regardée comme le symbole mathématique de la croissance vivante.

La croissance vivante, peut-être ce mot exprime-t-il le mieux le symbolisme global de la pyramide. Elle tend à assurer au pharaon son apothéose dans une assimilation du défunt au Dieu soleil terme suprême et éternel de la croissance.
On attribue à Hermès Trismégiste, une idée analogue : le sommet de la pyramide symboliserait le Verbe démiurgique, Puissance première inengendrée, mais émergée du Père et gouvernant toute chose créée, totalement parfait et fécond. Ainsi, au terme de l'ascension pyramidale, l'initié atteindrait l'union au Verbe, comme le pharaon défunt s'identifie au creux de la pierre au dieu immortel.


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