La première version de Trinité a été réalisée en 1993, à une période où je quittais Lyon pour Clermont-Ferrand. Je m'éloignais d'un milieu artistique actif dans lequel plein de choses me gênaient, pour un mini-exil de quelques centaines de kilomètres et de quelques années. Publié en 1994 dans le sixième numéro de ma revue Hard Luck, ce récit m'a toujours plu, non par lui-même, mais plutôt par le fait qu'il était sincèrement apprécié par des personnes (souvent féminines) qui ne lisaient d'habitude pas de bande dessinée, véhiculant apparemment des sentiments simples et sensibles. Je reprends ce récit en 1999 pour lui donner une orientation plus proche de ce que je veux faire à ce moment-là, et pour expérimenter cette chose singulière qui est d'adapter un de ses propres récits.
L'histoire est étrange : trois personnages ( Cœur, Ventre et Tête) travaillent dans un avant-poste désertique pour quelqu'un ou une organisation dont on ne saura pas grand-chose et dont d'ailleurs ils ne recevront rapidement plus une seule directive. Du coup leur travail perd toute signification. En même temps, Tête est de plus en plus malade et ils commencent tous à faire des rêves bizarres.

 



(positive ou négative)

Après l'ambitieux « Journal d'un loser » réalisé avec Lionel Tran et paru l'an dernier chez le même éditeur, on pouvait attendre un nouvel album grand format. Il n'en est rien, « Trinité » paraît dans la jeune collection Plantigrade, c'est un petit album de 64 pages. Au-delà, on reconnaît la patte de ce peintre et illustrateur lithographe qui manie parfaitement le noir et blanc. Dans ce récit intimiste et fantasmagorique où nous suivons Coeur, Ventre et Tête, les trois « héros » cartographes, Ambre joue sur les contrastes. Tantôt abstraits, tantôt saisissants de vérité, ses décors sont un quatrième acteur. L'architecture de cette ville abandonnée ménage quelques très beaux dessins. Mais la succession de cases et de pleines pages du chapitre trois, beaucoup moins figuratives, provoquent également des émotions chez le lecteur. Du moins s'il accepte de pénétrer un univers qui fait fi de la plupart des codes de la BD. Car il n'est jamais aisé d'entrer dans ce type de récit, moins mû par une logique scénaristique que par une volonté artistique. Ambre donne à voir, à rêver. Et à revenir en arrière, à la recherche d'une image restée floue. Pour amateurs d'art et de BD alternative.

Thierry Bellefroid
Bdparadisio (e-magazine)

 

Mon premier s'appelle Coeur, ma seconde s'appelle Ventre et mon troisième s'appelle Tête. Ces trois personnages sont les archéologues d'une ville improbable, dont ils reproduisent minutieusement les monuments. Ils sont apparemment les seuls habitants de la cité (on ne les voit en tout cas jamais en présence d'autres personnes) et doivent faire face aux difficultés d'une cohabitation quotidienne... Voilà un livre énervant ! On y retrouve avec plaisir le dessin puissant et très personnel d'Ambre, jeune auteur, plus peintre que dessinateur, qui fait depuis quelques années les beaux jours de revues alternatives comme le Cheval sans Tête ou Jade. Malheureusement, si son dessin est toujours aussi enthousiasmant, il n'échappe pas dans ce nouvel album à un défaut hélas trop courant chez les meilleurs illustrateurs : l'absence quasi-totale de scénario. Au risque de passer pour des rabat-joie rétrogrades, il faut rappeler ici une évidence : le plus grand talent graphique ne dispense pas de raconter une véritable histoire ! Ce livre reste un plaisir de l'oeil que vous pouvez vous offrir, mais en donnant rendez-vous à son auteur pour une véritable bande dessinée.

O.M.
BODOÏ # 36, décembre 2000

 

Difficile de parler de ce livre, tellement il est complexe à appréhender. Il est écrit en quatrième de couverture que Ambre "participe, à travers ses ouvrages, à l'exploration de l'intimisme en bande dessinée" et cela définit bien l'oeuvre qu'il est en train de créer tranquillement sans faire de vagues, oeuvre pourtant d'une grande richesse que ce soit au niveau graphique, avec un dessin proche de la peinture, tout simplement magnifique, qu'au niveau littéraire, dans sa manière de raconter des histoires, avec un rythme très lent. Dans "Trinité", il reprend des thèmes déjà abordés dans de petites histoires publiés dans sa revue "Hard Luck" : Ventre, Coeur et Tête, trois personnages un peu paumés, passant leur temps à décrypter des architectures et attendant un signe de l'extérieur, semblent faire allusion au souffle de vie, au principe spirituel et à l'âme (la trinité intérieure) qui pourrait donner vie au Golem. Ambre nous entraîne à la suite de ces personnages en quête d'un sens à leur vie, jouant sur les non-dits et l'imperceptible. Ainsi le lecteur est invité à explorer les ouvrages de cet explorateur des sentiments et du quotidien.

Jean Michel Christiany
Nemo (e-magazine), février 2001

 

[...] histoire étrange signée Ambre qui met en scène trois scientifiques dont la mission est de décrypter la mémoire des lieux. Mais où sont-ils réellement ? Un récit angoissant accentué par le style pictural au lavis de l'auteur.

La Lettre n°57, janvier/février 2001

 

Les amateurs de BD indépendante connaissent bien Ambre, animateur de la revue Hard Luck, et récemment découvert par le grand public avec le "journal d'un loser", magnifique volume paru aux éditions 6 pieds sous terre, où il illustrait un scénario de Lionel Tran. Il poursuit aujourd'hui chez le même éditeur avec "Trinité", un petit album dont il réalise scénario et dessins. On retrouve dans cette histoire hors du temps - celle de trois cartographes, Coeur, Tête et Ventre, oubliés dans une cité à l'abandon - toutes les influences littéraires et picturales de son auteur. Un récit intimiste, tour à tour mélancolique, symbolique et surréaliste. Vivement conseillé.

Johan Scipion
Backstab n°30, mai 2001