KINESITHERAPIE

PRE-OPERATOIRE

ET

CHIRURGIE CARDIAQUE

( Cahiers de Kinésithérapie. 1998 Fasc 190 )

Acceuil

 

 

V. DOUDEUIL

J. CURRALADAS

C H U HENRI MONDOR.

CRETEIL.

1/ INTERET D'UNE PREPARATION MASSO-KINESITHERAPIQUE.

Le bon déroulement des suites opératoires dépend de la capacité du patient à récupérer rapidement une cinétique ventilatoire acceptable . Cela nécessite de sa part une bonne compréhension et une coopération immédiate, mais la majeure partie d'entre eux méconnaissent totalement la physiologie respiratoire et les techniques visant à la réharmonisation ventilatoire et au désencombrement bronchique.

Or, les conséquences immédiates d'une chirurgie thoracique ( sternotomie ) sont essentiellement d'ordre ventilatoire ; c'est une amputation de 30% de la Capacité Vitale et de 10 à 30% du Volume d'Expiration Maximale en une Seconde ( VEMS) qui entraîne une mauvaise gazométrie, un retard à l'extubation et un risque d'encombrement bronchique .

 

 

2/ Rappels.

La chirurgie cardiaque.

Les valvulopathies, les maladies coronarienne , certaines cardiomyopathies et les défaillances cardiaques globales , peuvent être justiciables d'une réparation chirurgicales, voire d'une greffe cardiaque. Nous retiendrons ici deux grands groupes de malades qui entrent parfaitement dans le cadre d'une préparation masso-kinésithérapique;

La chirurgie programmée, la plus importante en nombre avec les pathologies coronariennes et valvulaires.

La chirurgie de transplantation.

La technique opératoire .

La position du malade est le décubitus dorsal, un billot placé sous les omoplates et ne dépassant pas du thorax pour éviter la compression des nerfs radial et cubital. Les bras sont placés le long du corps, membres inférieur allongés. L'abord chirurgical est effectué par une sternotomie médiane puis une incision verticale du péricarde.

 

Mise en place de la circulation extra corporelle ( C.E.C.) Après clampage aortique, la protection myocardique est assurée par l'hypothermie générale à 28° et perfusion de cardiolplégique dans la racine aortique. Mise en place de 4 drains supérieurs (1 péricardique, 1 rétro sternal et 1 dans chaque plèvre.) pendant 4 à 6 heures.

L'anesthésie générale nécessaire à une intervention cardiaque doit permettre une stabilité cardio-vasculaire la meilleure durant les différents stimuli nociceptifs. Pour 95% des patients, la technique d'anesthésie associe ce que les anglo-saxons nomment le Fast-Track ( norcuron ) et permet un réveil assez rapide.

 

 

EN REANIMATION.

 

Le patient est endormi, intubé et ventilé artificiellement, sous surveillance monitoring permanente.

Mise en place de voies veineuses, artérielles, et de seringues auto-pousseuses ( traitements cardio inotrope positif, anticoagulants, antalgiques). Une sonde de Swan-Ganz est en place pour la surveillance des pressions de l'artère pulmonaire et du coeur droit. Les drains ou redons sont entres 2 et 4 ; rétro sternal, péricardique, pleuraux. Une sonde urinaire est en place.

Le réveil s'effectue environ 4 à 6 heures après. Le patient est mis en aide inspiratoire puis selon sa tolérance sur pièce en T avec 3 litres d'O2 . L'extubation à lieu le plus vite possible d'après les éléments suivants;

PCO2 < 40 mm.hg

PO2 > 80 mm.hg sous 3 l d'O2 nasale

Une fréquence respiratoire < 3O cycles / minute.

Un bon état de conscience

L'ablation des drains s'effectue à J2 si le saignement est tari.

 

3/ LA KINESITHERAPIE PRE OPERATOIRE.

Elle devra être essentiellement éducative et visera à faire acquérir au patient l'automatisation des techniques ventilatoires indispensables pour pallier aux conséquence de l'intervention.

Elle sera principalement;

Respiratoire.

Posturale.

Psychologique.

Le travail respiratoire.

1/ Prise de conscience et apprentissage de la cinétique ventilatoire dirigée.

En effet, bon nombre de patients présentent spontanément un mode ventilatoire exclusivement costal, voir paradoxal qu'il sera difficile de modifier après l'intervention.

On réalisera donc des séries de cycles respiratoires d'abord costaux ,puis abdominaux, puis en synergie costo abdominale en utilisant des repères ; manuels (le patient place une main sur son sternum et l'autre sur son abdomen) , mètre ruban, miroir.

On effectuera un travail de réexpansion des diamètres thoracique et abdominal par des exercices de prise de conscience des modifications corporelles en inspiration et expiration. Les exercices sont simultanés et alternatifs.

 

Un travail de prise de conscience de la course diaphragmatique et de la synergie abdominaux-diaphragme. La mobilisation des cotes inférieures sera particulièrement mise en évidence afin d'éviter en post opératoire l'hypoventilation des bases pulmonaires, siège fréquent d'épanchement pleural . Les exercices sur le temps expiratoire avec la contraction du transverse de l'abdomen vont augmenter le Volume de Réserve Expiratoire ( V R E ) et améliorer l'oxygénation alvéolaire distal.

 

Tous ces exercices permettront aux patients d'acquérir et d'intégrer dans leur schéma corporel une qualité d'informations qui seront précieuses en post-opératoire afin de retrouver un mode ventilatoire indolore et efficace.

En effet, immédiatement près l'intervention, il existe une perturbation importante de la cinétique ventilatoire causée par la sidération diaphragmatique. Celle-ci est la conséquence , d'une part de la technique opératoire ( cryogénisation du médiastin ) et donc d'une perturbation du passage de l'influx dans les nerfs phréniques , et d'autre part de la présence des drains traversant le diaphragme au niveau de son insertion antérieure, sternale, enfin de la position décubitus pendant les premières heures en réanimation, position rendue nécessaire pour les différents bilans et prises de constantes par les infirmières.

Cette position, surtout chez les patients obèses ou hypotoniques, ne favorise pas le fonctionnement du diaphragme et augmente sa fatiguabilité en l'obligeant à repousser les viscères abdominaux pour effectuer son travail. Cette dysfonction diaphragmatique modérée est observée dans les suites post opératoires immédiates et partiellement régressive à J8.

 

2/ L'apprentissage de l'Accélération du Flux Expiratoire ( A F E ).

 

Indispensable en post-opératoire pour obtenir une expectoration efficace, l'A F E est une technique difficile à apprendre une fois le thorax rendu douloureux par la sternotomie. Il sera donc judicieux d'entraîner le patient à l'effectuer correctement en pré opératoire.

Il s'agira d'obtenir une expiration glotte ouverte , " faire de la buée ", brève et a haut volume pulmonaire afin de désencombrer la partie supérieure des voies aériennes. Cette technique utilise l'augmentation du flux expiratoire pour mobiliser les sécrétions de la périphérie vers la trachée.La participation active de la musculature abdominale est nécessaire pour faciliter l'évacuation des sécrétions bronchiques. Elle présente un double intérêt:

D'une part, l'apprentissage de cette manoeuvre permettra de désencombrer le patient en pré-opératoire ( BPCO, fumeurs ) et l'obligera à réutiliser sa sangle abdominale souvent hypotonique et inefficace. D'autre part, cette technique facilitera la levée de la sidération diaphragmatique en sollicitant le couple abdominaux / diaphragme.

L'exercice s'effectuera en position demi-assise, l'expiration sera faite en utilisant les voyelles de l'alphabet et selon différents débits.

 

3/ L'expectoration dirigée.

Elle sera réalisée avec un appui sternal et un contre appui abdominal pour que la toux soit efficace. Il s'agit d' apprendre au patient le positionnement des mains pour protéger son thorax afin d'obtenir une expectoration productive.

L'éducation comprendra également le contrôle de la toux à des niveaux de volumes pulmonaires différents. La toux réalisée en fin d'inspiration ( Volume de Réserve Inspiratoire ou V.R.I ) intéresse surtout la partie supérieure de l'arbre bronchique , alors que celle effectuée dans le V.R.E concerne les bronches dystales.

 

4/ Le travail diaphragmatique..

On apprendra au patient l'inspiration nasale saccadée qui déclenche une réponse diaphragmetique réflexe avec recrutement de toutes ses fibres musculaires. L'inspiration brusque bouche ouverte entraîne sensiblement le même travail du muscle diaphragme.

La ventilation contre une légère résistance abdominale en position décubitus sera aussi réalisée, on demandera au patient de " gonfler le ventre " lors de l'inspiration.

Prise de conscience de la position facilitatrice ( demi-assis ) pour le travail du diaphragme.

Ces exercices sont important car la sidération d'une, voir des deux coupoles diaphragmatiques en post-opératoire et fréquente.

4/Le travail articulaire et musculaire.

1/ Prise de conscience de l'état de tension de la région scapulaire et cervicale par des massages décontracturants, le miroir, le contracté- relâché. En effet, les douleurs post-opératoires sont entretenues par la contraction inconsciente et quasi permanente des muscles de cette région.

2/ Apprentissage du relâchement associé aux exercices ventilatoires dans les positions post-opératoires

( décubitus et demi-assis). La tête appuyée, relâchement et abaissement des épaules, appui dorsal et non sur les coudes. Autograndissement axial actif, effacement des courbures.

 

3/Les exercices d'assouplissements de la cage thoracique et des articulations costo-vertébrales seront fonction de l'état général du patient.

Exercices d'ouvertures thoraciques en utilisant les membres supérieurs ( travail avec bâton ) en y associant la respiration.

Postures d'étirement des pectoraux , mains derrière la nuque , avec expiration contrôlée.

Travail d'ouverture de la cage thoracique dans les positions décubitus et latéro-cubitus avec résistances manuelles sur les temps inspiratoires.

 

La préparation psychologique.

L'attente de l'intervention, la peur de l'inconnue qu'est l'anesthésie, la douleur des différents examens pré-opératoires, peuvent être pour de nombreux patients une source d'angoisse et de stress.

Il sera donc utile pendant les séances, dès lors qu'une relation de confiance sera instaurée entre le patient et le kinésithérapeute, de pratiquer quelques séances de relaxation. Celle-ci, associée au travail ventilatoire permettra au patient lors de son réveil en réanimation, de gérer au mieux les moments les plus pénibles. Une explication simple et succincte du déroulement de la période post-opératoire immédiate lui permettra d'aborder le séjour dans l'unité de soins intensifs avec beaucoup plus de sérénité et moins d'appréhension.

 

Conclusion.

L'évolution des techniques d'anesthésie et de chirurgie permet de diminuer sensiblement la durée du séjour en unité de réanimation. Il parait donc indispensable de préparer les candidats à la chirurgie cardiaque en les éduquants aux techniques de ventilation et de gestion du stress leur permettant d'aborder cette phase post-opératoire dans les conditions optimales. Ces techniques apprises en pré-opératoire et bien automatisées, permettront une meilleure récupération de la cinétique ventilatoire , condition indispensable à leur sortie de réanimation. Nous conseillons de prescrire les séances de kinésithérapie lors de la consultation pré-opératoire du chirurgien.

La prescription:

10 séances de rééducation préopératoire.

Kinésithérapie respiratoire, désencombrement et apprentissage de la respiration abdomino-diaphragmatique.

Travail gymnique des membres supérieurs et de la cage thoracique.

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Bibliographie.

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J. Curraladas

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Kinésithérapie et Réanimation respiratoire . Paris. Masson . 1994