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KINESITHERAPIE DE REANIMATION

ET

TRANSPLANTATION CARDIAQUE

 

(Cahiers de Kiné. 1996 Fasc 177 .)

 

 

José CURRALADAS M.K DE

 

Mes remerciements au Dr DELEUZE P. pour sa franche collaboration.

 

I LA TECHNIQUE OPERATOIRE

La position du malade est le décubitus dorsal, un billot placé sous les omoplates et ne dépassant pas du thorax pour éviter la compression des nerfs radial et cubital. Les bras sont placés le long du corps, membres inférieur allongés.

L'abord chirurgical est effectué par une sternotomie médiane puis une incision verticale du péricarde.Mise en place de la circulation extra corporelle ( C.E.C.) avec une hypothermie modérée à 29 - 30 ° C.

Le temps de l'intervention est compris entre 4 et 6 heures. Le temps entre le prélèvement sur le donneur et la fin des sutures sur le receveur ne doit pas , si possible dépasser 4 heures

( ischémie du greffon ).

 

II LORS DE LA REMONTEE EN REANIMATION

Le patient est endormi, intubé et ventilé artificiellement.

Il a des voies veineuses et artérielles, des seringues électriques avec des traitements immuno déprèsseurs, inotropes , anticoagulants. Les drains sont entres 2 et 4 ; rétro sternal, péricardique, pleuraux. Une sonde urinaire est mise en place. Le patient est sous surveillance monitoring permanente.

Le réveil s'effectue environ 12 heures après. Le patient est mis en aide inspiratoire puis selon sa tolérance sur pièce en T avec 3 litres d'O2 . L'extubation à lieu le plus vite possible d'après les éléments suivants; PCO2 < 45 mmhg , PO2 > 75 mmhg sous 3 l d'O2 nasale mais selon l'état pulmonaire antérieur, on acceptera une PO2 à 6O mmhg. Une fréquence respiratoire < 3O cycles / minute. Un bon état de conscience, le patient étant réveillé. L'extubation dépend bien sur de l'état clinique antérieur selon que l'attente de la greffe se soit passée à domicile, en réanimation ou qu'il y ait eu choc cardiogénique. L'ablation des drains s'effectue à 48 heures post opératoire si le saignement est tari.

 

Dés l'arrivée du patient en réanimation le TRAVAIL DU KINESITHERAPEUTE S'EFFECTUERA DANS TROIS GRANDES DIRECTIONS.

 

- UNE KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE efficace quelque soit l'état ventilatoire du patient ( intubé-ventilé ou non ). Car le bon état respiratoire conditionnera l'apport d'O2, donc une bonne gazométrie artérielle, critère essentiel de l'extubation et du temps de séjour en réanimation.

 

- UNE KINESITHERAPIE A VISEE FONCTIONNELLE avec lever précoce y compris avec les drains. De façon a redonner des habitudes gestuelles perdues depuis quelques semaines, voire depuis plus longtemps, et faciliter les grandes fonctions indispensables à une vie normale; reprise du transit, amélioration de la cinétique ventilatoire et facilitation du travail diaphragmatique.

 

- UN REENTRAINEMENT PRECOCE A L'EFFORT avec la marche, le vélo, le travail au ballon. C'est le combat précoce contre la démusculation, contre l'amyotrophie déjà importante au stade de l'intervention.

 

III A CE STADE LE MASSEUR KINESITHERAPEUTE SE TROUVE CONFRONTE A:

 

1) UNE PERTURBATION IMPORTANTE DE LA CINETIQUE VENTILATOIRE.

A cause de - la douleur évidemment présente et consécutive à l'ouverture de la cage thoracique ( sternotomie ) et des drains ( 8mm de diamètre ) pénétrant au niveau de l'appendice xiphoïde.

Des sub-luxations des articulations costo-vertébrales inévitables de part la sternotomie.

la sidération diaphragmatique due, d'une part à la technique opératoire ( cryogénisation du médiastin ) et donc une perturbation du passage de l'influx dans les nerfs phréniques , d'autre part à la présence des drains traversant le diaphragme au niveau de son insertion antérieure, sternale, enfin à la position décubitus pendant les premières heures en réanimation, position rendue nécessaire pour les différents bilans et prises de constantes de surveillance par les infirmières. Cette position, surtout chez les patients obèses ou hypotoniques, ne favorise pas le fonctionnement du diaphragme et augmente sa fatigabilité.

- l'anesthésie ( endormissement et dépression respiratoire.).

 

2) UNE PERTURBATION DES ECHANGES GAZEUX

-Hypoxie, hypercapnie

-Présence d'atélectasies consécutives à la sidération diaphragmatique et à la C.E.C , les poumons n'ayant pas fonctionné pendant le temps de l'intervention , et malgré le "nettoyage" par aspiration endo trachéale post opératoire, il peut persister des zones non ventilées. La paresse diaphragmatique entretient ces phénomènes.

-Le patient ventile à minima, très superficiellement, avec un épanchement pleural possible qui peut être le corollaire de trois facteurs;

D'une part , un phénomène inflammatoire local.

D'autre part , une insuffisance de drainage du réseau lymphatique.

Enfin, de l'hyper volémie liée chez ces patients à l'Insuffisance Ventriculaire Droite transitoire ( défaillance temporaire du greffon ou Hyper tension de l'Artère Pulmonaire pré-opératoire)avec remplissage nécessaire afin de maintenir un débit cardiaque convenable.

 

3) UNE HYPERSECRETION BRONCHIQUE

Par l'arrêt du mouvement muco-cilliaire per opératoire, en fonction de la durée de la ventilation artificielle et del'état pulmonaire pré opératoire.

 

4) UNE FONTE MUSCULAIRE

Liée à l'absence d'efforts depuis plusieurs mois chez un patient en insuffisance cardiaque, liée à l'éventuelle hospitalisation en réanimation, alité plusieurs jours ou semaines avant la transplantation,liée à la corticothérapie post-opératoire .

 

IV LA KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE.

Elle s'effectue selon des conditions d'asepsie maximale ( patient immunodéprimé. ) . Lavage des mains, chapeau, bavette, surchaussures, gants .

1)LE DESENCOMBREMENT s'effectue par aspirations endotrachéale lorsque le patient est encore ventilé après avoir effectué selon l'état des sécrétions une toilette alvéolaire par instillation de quelques centimètres cubes de sérum physiologique. L'aspiration est rapide avec surveillance de la tension artérielle et du rythme cardiaque. La position demi-assise sera adoptée le plus rapidement possible.

 

2)LA VENTILATION DIRIGEE sous ventilateur artificiel insiste sur le temps expiratoire de façon à renouveler l'espace mort en descendant le plus possible dans le Volume de Réserve Expiratoire ( V.R.E ). Les manoeuvres s'effectuent à deux ou quatres mains, selon la physiologie costale en insistant sur les basses cotes. Ce renouvellement de l'espace mort anatomique augmente la quantité d'air enrichi en O2 qui arrive au niveau de la barrière alvéolo-capillaire, maintient l'ensemble du parenchyme pulmonaire en mouvement et évite ainsi les micro atélectasies des bases. L'augmentation de l'ampliation thoracique par la ventilation dirigée dans le V.R.E favorise le glissement des plèvres entre elles , facilite les mouvements liquidiens corporels et rétabli un "rodage" articulaire des articulations costo vertébrales sub luxées pendant l'intervention.

Dès le départ et à partir du moment ou il est conscient nous demandons au patient,ventilateur débranché momentanément, d'effectuer des expirations fortes et rapides ( Accélération du Flux Expiratoire ).

En fonction de sa tolérance à la ventilation en aide inspiratoire, des gaz du sang,de la fréquence respiratoire, le ventilateur est débranché et le patient est mis sous pièce en T, l'extubation s'effectuera quelques heures plus tard.

 

La ventilation dirigée est faite à tous les stades de l'hospitalisation; sous ventilation artificielle, sous pièce en T, après extubation.

L'extubation s'effectue en présence du médecin, le patient étant demi-assis. Il n'y a pas d'aspiration pendant l'enlèvement de la sonde d'intubation pour éviter les lésions des cordes vocales. Une séance de kinésithérapie respiratoire est effectuée avant puis après l'extubation. Après l'extubation une sonde à O2 nasale avec 3l d'O2 est installée ainsi qu'un aérosol de Pierre qui assure une bonne humidification de l'air respiré par le patient. Si besoin et , en fonction de l'état des secrétions bronchiques expectorées, on aura recours à des séances d'aérosol au masque.

 

Les éléments du bilan journalier du MK seront les gaz du sang, la radio pulmonaire et la clinique. Les séances seront courtes

( 1O' maxi ) mais répétées autant que nécessaire dans la journée.

Tant que les drains pénétrant la cage thoracique sous l'appendice xiphoïde seront en place, le travail du diaphragme sera difficile. Néanmoins nous rechercherons constamment ce travail en insistant dans la ventilation dirigée sur les basses côtes et la respiration abdominale.

Nous utilisons aussi la spirométrie incitative sur le temps expiratoire ou "BOCAL" qui consiste à faire souffler le patient dans un tuyau plongeant dans un bocal rempli à moitié d'eau de façon à ; d'une part avoir une action au niveau alvéolaire grâce la pression positive expiratoire, d'autre part en l'incitant a aller le plus loin possible dans son volume de réserve expiratoire, le stimuler pour qu'il remonte plus haut dans son volume de réserve inspiratoire et mette en jeu sa physiologie diaphragmatique.

 

3)L'ACCELERATION DU FLUX EXPIRATOIRE ( A.F.E ) est employée systématiquement afin d'éviter la toux. Brève et à haut volume pulmonaire afin de dégager la partie supérieure des vois aériennes. L'hypotonie abdominale, la sidération diaphragmatique et l'état préopératoire des patients sont des handicaps sérieux à cette manoeuvre.

 

4)L'EXPECTORATION DIRIGEE est pratiquee en maintenant les parties douloureuses et en effectuant un contre appui abdominal important avec maintien sternal de façon à faciliter l'effort du diaphragme et compenser la faiblesse des abdominaux.

Si besoin on pratiquera des aspirations trachéales.

 

V LA REEDUCATION FONCTIONNELLE

Commence par le premier lever et la mise au fauteuil y compris avec les drains si ceux-ci sont toujours en place dans les jours qui suivent. Le premier lever est prudent car en plus des risques courant d'hypotension peuvent se produire des mouvements du greffon dans le sac péricardique qui entraine des malaises.

Au fauteuil le travail classique des membres inférieurs est commencé. Les repas sont pris de préférence au fauteuil, etc...

Le passage d'un alitement prolongé à la position assise au fauteuil ou sur la chaise percée est une étape psychologique importante.

  

VI LE REENTRAINEMENT PRECOCE A L'EFFORT

-La marche dés que possible,avec ou sans voie d'abord en place, dans la réanimation ou le patient retrouve ses sensations proprioceptives et ou nous effectuons un bilan de ses possibilités. Un travail par poussées teste son équilibre et stimule les réflexes de la position debout. C'est une étape importante tant du point de vue physique que psychique pour le patient.

- Le travail au vélo, dans la chambre, le patient étant relié au scope avec progression et contrôle de la fréquence cardiaque et de la tension artèrielle permanente.

Au début:

- 1 minute de travail

} x 5 fois

- 2 minutes de repos

puis rapidement:

- 2 minutes de travail

} x 5 fois.

- 1 minute de repos

puis augmentation de la résistance ( légère ). La fréquence cardiaque ne dépassant pas 110.Elle ne doit pas être l'élément principal de la surveillance car sa régulation est modifiée par la dénervation cardiaque.

 

+ Le travail au ballon est très employé et nous semble intéressant pour plusieurs raisons.

Il permet :

- un travail cardio-vasculaire non négligeable et complémentaire du vélo par un effort musculaire de la ceinture scapulaire et des membres supérieur.

- une prise de conscience du schéma corporel perdu par l'intervention, l'alitement, la sternotomie. Les stimulations extéroceptives tendent à faire réapparaître les gestes vifs,

les réflexes perdus. C'est un travail proprioceptif important.

 

- un complément des exercices respiratoires qui vont faciliter l'expectoration en mobilisant la cage thoracique.

- une activité ludique, tendant à dédramatiser, désangoisser le patient, lui prouver qu'il peut "jouer au ballon" augmente la confiance en lui qu'il avait perdu depuis longtemps.

  

Tous ces exercices sont effectués en fonction de la disponibilité du patient et de sa progression, qui est variable d'un individu à l'autre et de résultats des biopsies régulières qui surveillent un éventuel rejet du greffon.

 

Pour une journée;

- Kinésithérapie respiratoire au fauteuil,

- marche,

- travail avec ballon au fauteuil,

- vélo ,

- travail au ballon debout ou au fauteuil,

- kinésithérapie respiratoire si besoin.

 

Ce travail masso kinésithérapique ne peut être standardisé ni appliqué tel quel à tous les greffés cardiaque. Il dépend en grande partie de l'état physique et psychologique antérieur du patient et de sa capacité de récupération fonctionnelle après une intervention aussi importante.

Le kinésithérapeute doit savoir doser les exercices et le travail qu'il demande au greffé en effectuant des bilans comparatifs journaliers. La progression n'est pas forcement toujours évidente et c'est une confrontation de l'ensemble de l'équipe soignante qui va permettre au patient de sortir de réanimation vers le 12 ème jour post-opératoire.

Un séjours d'un mois en rééducation fonctionnelle dans un établissement spécialisé est alors indispensable avant la sortie définitive.

 

Bibliographie:

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D. Delplanque, M. Antonello, E. Corriger

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Rééducation respiratoire.Bases pratiques et applications thérapeutiques.

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F. Lemaire , J. M. Desmonts

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J. Curraladas

la kinesitherapie dans la prise en charge precoce des patients porteurs d'une nouvelle technologie: le baxter novacor Masson 1994.

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