MYSTERES DES GRANDS OPÉRAS

MAX HEINDEL



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CHAPITRE 1 - FAUST - Dissonance divine

Quand le nom de Faust est évoqué, la plupart des gens cultivés pensent aussitôt à la représentation théâtrale de l'opéra de Gounod. Certains en admirent la musique, mais l'histoire elle-même ne semble pas les émouvoir particulièrement. Apparemment, c'est l'aventure, hélas! trop commune, d'un être sensuel qui entraîne dans la chute une jeune fille sans méfiance, puis la laisse expier sa "faute" et souffrir de sa confiance. La plupart des auditeurs considèrent la part de magie et de sorcellerie qui intervient dans l'oeuvre comme simple imagination de l'auteur, qui les aurait utilisées pour donner plus d'attrait à ce conte banal.

Quand, à la fin de l'opéra, Faust est entraîné par Méphistophélès dans les régions infernales et Marguerite emportée au ciel sur des ailes angéliques, il semble au public que cette moralité convient pour terminer la pièce sur une note édifiante.

Une minorité sait que l'opéra de Gounod est basé sur le drame dont Goethe est l'auteur; et ceux qui ont étudié les deux parties du Faust de Goethe

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ont une idée très différente de ce qui est présenté dans l'opéra. Seuls, les mystiques éclairés trouvent dans l'oeuvre de Goethe la preuve indiscutable que celle-ci est due à la plume d'un Initié, et saisissent pleinement la grande signification cosmique qu'elle contient.

Qu'il soit donc clairement compris que l'histoire de Faust est un mythe aussi ancien que l'humanité. Goethe le présente enveloppé de lumière mystique pour nous éclairer sur un des plus grands problèmes du jour, les relations et la lutte entre la Franc-Maçonnerie et le Catholicisme, sujet que nous avons examiné d'un point de vue différent dans un autre ouvrage.

Nous avons souvent dit dans nos écrits qu'un mythe est un symbole voilé contenant une grande vérité cosmique; c'est une conception qui diffère totalement de celles généralement adoptées. Tout comme nous offrons des livres d'images à nos enfants pour mettre à leur portée des leçons au-delà de leur compréhension intellectuelle, ainsi les grands Instructeurs ont donné ces symboles imagés à l'humanité en enfance et, par ce moyen, inconsciemment, une appréciation des idéaux présentés s'est gravée dans nos véhicules supérieurs.

La graine germe, invisible, dans la terre, avant de pouvoir fleurir sur la surface visible, et ainsi ces empreintes gravées par les mythes sur nos véhicules plus subtiles, invisibles, nous ont mis dans un état de réceptivité qui nous permet d'accepter plus facilement des idéaux supérieurs et de nous élever au-dessus des conditions sordides du monde matériel. De tels idéaux auraient été submergés par la nature inférieure si, durant des âges, des mythes comme Faust, Parsifal et autres légendes n'avaient pas préparé la voie.

Comme l'histoire de Job, le mythe de Faust commence au ciel dans une assemblée des Fils de Seth, et Lucifer est parmi eux. Goethe situe également la fin dans le ciel. Comme ceci est fort différent de ce qui est habituellement représenté

 

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au théâtre, nous nous trouvons devant un problème gigantesque. En effet, le mythe de Faust dépeint l'évolution de l'humanité pendant l'époque actuelle. Il nous montre aussi comment les Fils de Caïn et les Fils de Seth jouent leur rôle dans l'oeuvre du monde.

L'auteur s'est toujours efforcé de se tenir aussi près de son sujet que possible, afin que chaque phase de philosophie puisse être éclairée à son tour, mais il peut arriver que les circonstances justifient parfois des digressions dont Faust nous fournit l'exemple. Si nous n'abordions le sujet que dans la mesure où il se rapporte à la Franc-Maçonnerie et au Catholicisme, nous devrions y revenir pour éclairer d'autres points d'intérêt vital telle la croissance de l'âme, travail à réaliser par la race humaine. Nous espérons donc que nos lecteurs ne critiqueront pas nos digressions.

Dans la première scène, trois Esprits Planétaires, Fils de Dieu, s'inclinent devant le Grand Architecte de l'Univers, chantant les mélodies des sphères dans leur adoration de l'Etre Ineffable qui est la source de la vie, l'auteur de toute manifestation. Goethe représente l'un de ces Esprits divins célestes prononçant ces paroles:

"Le Soleil résonne sur le mode antique Dans le choeur harmonieux des sphères; Sa course ordonnée s'accomplit D'année en année, rapide comme l'éclair."

Des instruments scientifiques ont été inventés, expérimentés en laboratoire, où ils transforment les rayons lumineux en sons, démontrant ainsi dans le Monde Physique le principe mystique de l'identité de ces deux manifestations; ce qui auparavant n'était évident qu'au mystique capable d'élever sa conscience jusqu'à la Région de la Pensée Concrète, est à présent perçu également par le savant. La musique des sphères, dont Pythagore a parlé publiquement, ne doit être considérée ni comme une idée vide de sens créée par

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une imagination poétique trop vive, ni comme l'hallucination d'un cerveau déséquilibré.

Goethe pensait réellement ce qu'il écrivait. Les planètes ont chacune leur note dominante propre; elles gravitent autour du Soleil à des degrés de vitesse si divers que leur position présente ne pourra se renouveler avant 26 000 ans. Ainsi, l'harmonie des cieux se modifie à chaque moment de la vie, et lorsqu'elle change, les idées et les idéaux du monde changent aussi. Cette danse circulaire des astres se mouvant au son de la symphonie céleste qu'ils créent, marque le progrès de l'homme sur le sentier que nous appelons évolution.

Mais il est erroné de penser qu'une harmonie constante est agréable. Ainsi exprimée, la musique deviendrait monotone, et nous nous lasserions d'une harmonie continuelle. La musique perdrait réellement son charme si des dissonances n'intervenaient pas fréquemment.

Plus le compositeur approche de la dissonance sans qu'elle fasse partie de la mélodie, plus sa création est agréable à entendre quand les instruments lui donnent vie. Il en est de même dans la musique des sphères; nous ne pourrions jamais atteindre l'individualité et la conscience de soi vers lesquelles tend l'évolution, sans la dissonance divine.

Pour cette raison, le Livre de Job désigne Satan comme l'un des Fils de Dieu. Et le mythe de Faust indique que Lucifer est également présent à la convocation mentionnée au premier chapitre de l'histoire. C'est de lui que vient la note salvatrice de dissonance qui forme un contraste avec l'harmonie céleste; et comme la lumière la plus intense projette l'ombre la plus obscure, la voix de Lucifer rehausse la beauté du chant céleste.

Tandis que les autres Esprits Planétaires s'inclinent en adoration lorsqu'ils contemplent les oeuvres du Maître Architecte révélées dans l'univers, Lucifer

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émet la note de critique et de blâme dans les vers suivants dirigés contre le chef-d'oeuvre de Dieu, le roi des créatures, l'homme:

"Des Soleils et des Mondes, je n'ai rien à dire; Je vois seule ment les hommes se tourmenter. Le petit dieu du monde est toujours de même sorte, Aussi surprenant qu'au premier jour. Le pauvre! il vivrait un peu mieux, je pense, Sans ton don de la lumière divine. Il l'appelle Raison, mais ne l'emploie Qu'à se rendre plus bête que les bêtes."

Au point de vue des générations précédentes, ceci peut paraître sacrilège. Mais à la lumière plus vive de nos temps modernes, nous pouvons comprendre qu'une évolution doit exister, même pour un être aussi élevé que celui que nous désignons par le nom de Dieu. Nous pouvons pressentir la lutte pour développer de plus grandes aptitudes, l'idée d'univers futurs offrant des facilités accrues pour les évolutions ultérieures d'autres Esprits Vierges, tout cela comme résultat des imperfections notées dans le plan de manifestation par son Auteur exalté. De plus, comme c'est "en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être", la note discordante émise par les Esprits Lucifer devrait aussi se faire entendre en Lui. Ce n'est pas une intervention extérieure qui attire Son attention ou Le met à l'oeuvre, mais Sa propre et divine reconnaissance d'une imperfection à transmuer en un plus grand bien.

Nous lisons dans la Bible que Job était un homme parfait, et dans le mythe de Faust, le personnage principal est un serviteur de Dieu car, naturellement, le problème de la progression, de la croissance plus grande, doit être résolu par le plus évolué. Les individus ordinaires, ou ceux qui sont inférieurs en évolution, ont encore cette partie du chemin à parcourir, étapes dépassées par Faust et Job, qui sont à l'avant-garde de la race et que la masse de l'humanité considère de la même manière que Lucifer qui les traite de naïfs et d'illuminés:

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"Pauvre imbécile! sa nourriture n'est pas terrestre; Son effervescence le projette dans l'espace; A demi conscient de son état délirant, Il voudrait du ciel ses plus belles étoiles, Et de la Terre ses plus grandes délectations. De loin ni de près, rien ne pourrait Apaiser les passions qui le dévorent.

Pour de tels êtres un sentier nouveau et plus élevé doit être ouvert, afin de leur donner de plus grandes occasions de croissance, d'où la réponse de Dieu:

"Il me sert aujourd'hui avec égarement, Mais je le conduirai bientôt à la lumière. Sur le jeune arbre, le jardinier Entrevoit fleurs et fruits des futures années."

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CHAPITRE 2 - FAUST - Les angoisses de l'âme qui cherche (1re partie)

Tout comme l'exercice est nécessaire au développement des muscles physiques, ainsi le développement de la nature morale s'accomplit par la tentation. Le choix étant donné à l'Ego, il peut l'exercer dans la direction qui lui plaît, car il apprendra tout autant, peut-être même davantage, par ses erreurs que par ses actions justes. C'est pourquoi, dans le mythe de Job, le diable est autorisé à le tenter; et dans le mythe de Faust, le tentateur adresse sa requête à Dieu:

"Gage que vous allez le perdre, Seigneur, Si vous me laissez le conduire à ma guise."

Le Seigneur réplique:

"C'est bien; je vais te laisser conduire Cet esprit loin de sa source originelle. Mène-toi, si tu peux le convaincre De descendre avec toi la pente. Mais tienne sera la honte, si tu dois reconnaître Qu'un honnête homme, dans ses plus vils désirs, Peut encore trouver le chemin du salut."(...)"

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Tu peux toujours venir ici librement; Je n'ai pas de haine pour tes pareils; De tous les esprits de négation, Ce sont les fripons qui me pèsent le moins. L'homme est trop enclin à la paresse, Son activité tend à se relâcher, Et je lui donne exprès ce compagnon actif, Qui l'émoustille et joue le rôle de diable. Mais vous, les vrais enfants de Dieu, Réjouissez-vous de l'inépuisable beauté; Que tout ce qui vit, croît et se développe, vous entoure d'un climat d'amour et de devoir."

Ainsi la trame est prête, et Faust sur le point de se laisser prendre dans les mailles des filets tendus sur le sentier de toute âme qui cherche. Ce qui suit nous montre toutefois le but bienfaisant et la nécessité de la tentation. L'Esprit est une partie intégrante de Dieu; tout d'abord innocent , mais non vertueux. La vertu est une qualité positive qui se développe en résistant fermement à la tentation ou en subissant les souffrances qu'entraînent les mauvaises actions. Ainsi, le prologue dans les cieux donne au mythe de Faust une grande valeur en tant que guide et encouragement à l'âme qui cherche. Il montre le but éternel au-delà des conditions terrestres qui causent souffrance et douleur.

Maintenant, Goethe nous présente Faust installé dans sa sombre salle d'études; il est plongé dans l'introspection et la rétrospection:

"Philosophie, jurisprudence, médecine, Et toi aussi, triste théologie, hélas! Etudiées à fond, avec ardeur, Et me voici, pauvre imbécile, Aussi peu habile que devant!" (...)

"Je ne crois pas savoir quelque chose de sensé pour élever et enseigner l'humanité. Je n'ai pas travaillé pour amasser de l'or, Pour la célébrité, le rang social, les plaisirs." (...)

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"Il ne me reste plus que l'art de la magie. Oh! si la force de l'esprit, ou de la parole, Pouvait me dévoiler les secrets que j'ignore, Que je n'aie plus à enseigner péniblement Des choses dont je ne connais le premier mot." (...)

"Malheur à moi, prisonnier dans le noir De ces murs étouffants que je déteste, Où pénètre à peine la lumière du ciel A travers ces carreaux multicolores!" (...)

"Debout; enfuis-toi vers les lointains espaces! Ce livre de magie, par Nostradamus, Te fera connaître le cours des astres. Si la nature te révèle ses secrets, Ton âme fortifiée s'élèvera jusqu'à elle; Tu lui parleras comme d'esprit à esprit."

Toute une vie consacrée à l'étude n'a pas apporté à Faust de connaissances réelles. Les sources conventionnelles du savoir se révèlent finalement stériles. Le savant peut penser que Dieu est superflu; il peut croire que la vie consiste en actions et réactions chimiques, du moins au début, mais plus il approfondit ses recherches sur le sujet, plus les mystères rencontrés en chemin sont grands; enfin il ne pourra poursuivre ses recherches plus avant et il sera forcé de les abandonner ou de croire en Dieu en tant qu'Esprit dont la vie pénètre chaque atome de matière. Or, Faust en est à ce point. Il dit que ses études n'ont été faites "ni pour l'or, ni pour la célébrité, ni pour le rang social, ni pour les plaisirs". Ayant lutté par amour de la recherche, il est arrivé au point où il voit que le monde de l'esprit nous enveloppe tous; et grâce à ce monde, au moyen de la magie, il aspire maintenant à une plus haute, plus réelle connaissance que celle contenue dans les livres.

Un volume écrit par le célèbre Nostradamus est entre ses mains, et en l'ouvrant, il aperçoit le signe du macrocosme. Le pouvoir contenu dans ce signe ouvre à sa conscience une partie du monde qu'il recherche;

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dans une extase de joie, il s'écrie:

"Ah! quelle extase s'empare de tout mon être! Je ressens une vie nouvelle, sainte et intense. Je perçois le sens des paroles du Sage: "Le monde des esprits s'ouvre devant toi Quand tes sens sont assoupis, quand ton coeur est mort. Debout! disciple, plonge-toi sans trêve Dans les rayons rougeâtres de l'aurore!"

Il examine le signe:

"Comme tout ce qui vit s'amalgame sans cesse! Et tout ce qui se meut, agit l'un dans l'autre! Les pouvoirs célestes montent et descendent sans trêve, Se transmettant de mains en mains des seaux d'or. Du ciel à la terre, des vibrations bénies, Rosée parfumée qui revigore le sol aride, apportent à tous l'harmonie du Tout."

Mais de nouveau le balancier revient en arrière. De même qu'essayer de fixer l'éclatante lumière du Soleil détruit la rétine des yeux, ainsi l'audacieux qui veut sonder l'Infini rencontre la défaite, et l'âme qui cherche est rejetée de l'extase de la joie dans les ténèbres du désespoir:

"Quel spectacle!...ce n'est qu'un spectacle, hélas! Où pourrais-je te saisir, nature infinie? Où saisir les mamelles, source de toute vie, Auxquelles ciel et terre demeurent suspendus? Comment s'abreuver de ce lait intarissable? Il coule partout, il inonde tout; et moi Je languis vainement après lui."

Nous devons comprendre ce qui nous environne ici-bas avant d'aspirer à la connaissance supérieure. Il est absurde de se passionner pour les mondes supérieurs et les corps subtiles, alors que nous ignorons à peu près tout des véhicules qui nous servent journellement, ainsi que du milieu dans lequel nous agissons. "Homme, connais-toi toi-même" est un sage précepte. L'unique

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sécurité consiste à gravir l'échelle échelon par échelon, à ne jamais tenter d'atteindre un degré supérieur avant de nous être "assurés", avant d'être bien en équilibre sur celui où nous sommes. Plus d'une âme peut faire écho dans sa propre expérience au désespoir contenu dans les paroles de Faust.

Imprudemment, il est parti du point le plus élevé. Il a rencontré la déception, mais ne comprend pas encore qu'il doit commencer tout en bas; et il essaie d'évoquer l'Esprit de la Terre:

"Esprit de la Terre, tu es plus près de moi; Déjà je sens mes forces s'accroître, Déjà j'ose me risquer dans le monde, En supportant les peines, aussi bien que les joies, Lutter contre la tempête, et ne pas pâlir Des craquements du vaisseau faisant naufrage. Les nuages s'amoncellent, obscurcissent la lune; La lumière s'éteint, des vapeurs s'élèvent, Des rayons ardents font le tour de ma tête, Je me sens saisi d'un frisson qui m'oppresse. Esprit que j'invoque, tu es autour de moi, Je te sens tout près, manifeste-toi! Mon coeur s'abandonne à toi, Parais, dût-il m'en coûter la vie!"

Comme nous l'avons dit dans la "Cosmogonie Rosicrucienne" et ailleurs où nous avons répondu à une question (Questions et Réponses I, nÝ 116) concernant le rituel Latin dans l'Eglise Catholique, un mot est un son. S'il est correctement prononcé - et peu importe par qui - il a une influence contraignante sur l'intelligence qu'il représente, et le mot donné à chaque degré d'Initiation donne à l'homme l'accès à une sphère particulière de vibrations, habitée par certaines classes d'Esprits. Donc, comme le diapason répond à une note de même ton, ainsi, quand Faust prononce le nom de l'Esprit de la Terre, sa conscience s'ouvre à cette toute-pénétrante présence.

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Rappelons-nous que l'expérience de Faust n'est pas un exemple isolé ne pouvant se produire que dans des circonstances exceptionnelles. Faust est le symbole de l'âme qui cherche. Vous et moi sommes des "Faust" en un certain sens, car à un degré ultérieur de notre évolution, nous rencontrerons l'Esprit de la Terre, et nous comprendrons le pouvoir de Son nom s'il est correctement prononcé.

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CHAPITRE 3 - FAUST - Les angoisses de l'âme qui cherche (2e partie)

Nous avons déjà donné quelques aperçus d'une phase de l'Initiation en expliquant le phénomène mystique de "L'Etoile de Bethléem" qui est un Fait Mystique (Seizième conférence du "Christianisme de la Rose-Croix"). La plupart d'entre nous se déplacent sur la Terre et ne voient dans notre planète qu'une masse semblant inanimée, mais l'un des premiers faits révélés à notre conscience, par l'Initiation, est la réalité vivante de l'Esprit de la Terre. De même que la surface de notre corps est morte comparée aux organes intérieurs, ainsi l'enveloppe extérieure de la Terre, qui est une concrétion, ne donne aucune idée de l'activité merveilleuse déployée à l'intérieur de la planète. Sur le sentier de l'Initiation, neuf couches différentes sont révélées et, au centre de cette sphère mouvante, nous rencontrons l'Esprit de la Terre face à face. En vérité, il "gémit et souffre les douleurs de l'enfantement" dans la Terre pour le bien de tous, oeuvrant et attendant impatiemment le jour où nous nous manifesterons comme Fils de Dieu afin que,

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comme l'âme qui cherche et aspire à la libération est délivrée de son corps dense, l'Esprit de la Terre puisse être libéré de son corps de mort où il est actuellement confiné pour nous.

Les paroles que Goethe fait adresser à Faust par l'Esprit de la Terre offrent un magnifique sujet de méditation, car elles représentent ce que le candidat ressent lorsqu'il saisit pour la première fois la présence vivante de l'Esprit de la Terre oeuvrant sans cesse pour notre élévation:

"Dans le flot de la vie, l'action de la tempête, Je monte et je descends, je vais et je repars. Naissance et tombeau, une mer sans limites, Une trame changeante, une vie ardente, Ainsi je tisse, au métier bourdonnant du Temps, Le vêtement vivant de la Divinité."

Naturellement, il ne faut pas imaginer l'Esprit de la Terre comme une grande forme humaine, ou possédant des contours autres que ceux de la Terre. Le corps vital de Jésus, dans lequel l'Esprit du Christ s'était concentré avant sa pénétration dans notre Terre, a une forme humaine ordinaire; il est conservé et montré au candidat à un certain moment de son évolution. Dans un lointain avenir, ce véhicule deviendra à nouveau la demeure du bienveillant Esprit du Christ lorsqu'Il quittera le centre de la Terre, que nous serons à l'état éthérique, et qu'Il sera prêt à s'élever dans des sphères plus élevées, nous laissant sous la direction du Père dont la religion dépassera le Christianisme.

Lorsqu'un Esprit entre par une certaine porte, il doit également s'en aller par le même chemin, est une vérité ésotérique enseignée par Goethe lors de la première apparition de Méphistophélès à Faust. Faust n'est pas sur le sentier régulier de l'Initiation, il n'a pas gagné l'admission ni l'aide des Frères Aînés; son impatience lui fait chercher la mauvaise porte. Il est donc

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repoussé par l'Esprit de la Terre et, lorsqu'il croit avoir réussi, il est précipité du sommet de la joie dans l'abîme du désespoir, et c'est là qu'il comprend qu'il a échoué:

"Moi, l'image de Dieu, qui me croyais déjà Près du miroir de l'éternelle vérité, Dans la lumière et la clarté du ciel; Moi dont l'âme se croyait libérée, Pensant nager dans les veines de la nature Et jouir en créateur de la vie des dieux, Me voilà bien puni. Ta foudroyante parole M'a rejeté bien loin, parmi les autres hommes. Oui, j'ai pu t'attirer, mais non te retenir. Qui va donc m'enseigner, et que dois-je éviter?"

Il pense que les sources du savoir sont taries et qu'il ne pourra jamais atteindre à la véritable connaissance. Craignant la triste monotonie d'une vie ordinaire, il saisit une fiole de poison et s'apprête à la boire, quand il entend à l'extérieur des chants proclamant la résurrection du Christ car c'est le matin de Pâques. A cette pensée, un nouvel espoir emplit son âme, mais il est dérangé dans ses desseins par son ami Wagner qui frappe à la porte.

En se promenant avec ce dernier, Faust fait entendre le cri d'angoisse de toute âme qui aspire et qui est aux prises avec l'effroyable lutte entre la nature supérieure et la nature inférieure. Tant que nous vivons d'une vie mondaine sans aspirations élevées, la paix est en nous. Mais dès que nous sentons l'appel de l'esprit, notre équilibre s'en va, et plus ardemment nous poursuivons la recherche du Graal, plus terrible est la lutte intérieure.

Paul gémissait sur lui-même à cause de ses désirs inférieurs qui combattaient dans sa chair ses hautes aspirations spirituelles (Romains 7:18-25) et Faust lui ressemble lorsqu'il dit:

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"Deux âmes, hélas, se partagent mon coeur Et luttent pour la suprématie. L'une, de toutes ses fibres, s'attache à la terre Et s'y cramponne avec passion. L'autre, pleine d'une ardeur sacrée, aspire A s'élever dans des sphères plus pures."

Il ne se rend pas compte qu'il n'existe aucune grande route pour nous conduire au but; chacun doit parcourir seul le sentier vers la paix. Il s'imagine que des Esprits pourront lui donner le pouvoir de l'âme prêt à être utilisé:

"Oh! y a-t-il dans l'air des esprits Planant entre le ciel et la terre? Qu'ils descendent de leurs nuages dorés Et me mènent à une vie nouvelle, plus variée! Si seulement j'avais un manteau magique Pour me transporter vers des régions lointaines, Ce serait de mes vêtements le plus précieux, Je ne l'échangerais pas contre celui d'un roi."

Il est condamné au désappointement parce qu'il compte sur les autres. "Si tu es le Christ, aide-toi", affirme la règle universelle, et la confiance en soi est la vertu principale que les aspirants doivent cultiver dans l'Ecole des Mystères Occidentaux. Il n'est permis à personne de s'appuyer sur des Maîtres ou de suivre aveuglément des Guides. Les Frères de la Rose-Croix cherchent à émanciper les âmes qui viennent à eux, à les instruire, à les fortifier et à en faire des collaborateurs. Les philanthropes sont rares, et ceux qui attendent d'un Instructeur qu'il fasse plus que d'indiquer le chemin seront déçus. Quels que soient leurs titres, qu'ils se présentent dans un corps de chair ou en tant qu'Esprit, aussi spiritualisés qu'ils puissent paraître, les Instructeurs ne peuvent absolument pas accomplir les bonnes actions nécessaires à la croissance de l'âme, ni les assimiler et nous donner le pouvoir de l'âme qui en résulte, pas plus qu'ils ne peuvent nous donner la force physique en mangeant notre nourriture.

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Il est vrai que Faust, l'âme qui cherche, attire un Esprit prêt à le servir, mais c'est un Esprit de nature indésirable, Lucifer. Faust s'enquiert de son nom, il répond:

"Je suis l'esprit de négation, Le pouvoir qui oeuvre pour le bien, Tout en voulant le mal."

Les gens ou les Esprits qui offrent de satisfaire nos désirs ont généralement un but.

Nous arrivons ici à un point touchant une loi cosmique importante qui est à la base de nombreux phénomènes spirituels, et confirme l'enseignement unique de "The Rosicrucian Fellowship" - et de la Bible - disant que le Christ ne reviendra pas dans un corps dense, mais dans un corps vital. Cette loi nous démontre aussi pourquoi Il doit revenir, et ce qui suit devrait donc être lu avec grande attention:

Attiré par l'attitude mentale de Faust, Lucifer le suit dans son cabinet. Par terre, à l'intérieur de la pièce, une étoile à cinq branches dirige deux d'entre elles vers la porte. Dans le processus normal de la Nature, l'Esprit humain pénètre dans son corps dense lors de la vie prénatale et en sort à la mort par la tête. Les Aides Invisibles qui ont appris à transmuer leur énergie sexuelle en pouvoir de l'âme dans la glande pituitaire quittent également leur corps dense par la tête; donc, le pentacle avec une pointe dirigée vers le haut symbolise l'âme qui aspire et qui travaille en harmonie avec la Nature.

Le magicien noir, qui ne possède ni âme, ni pouvoir de l'âme, utilise aussi l'énergie sexuelle. Il quitte et réintègre son corps dense par les pieds, la corde d'argent passant par les organes sexuels. Le pentacle avec deux pointes en haut est par conséquent le symbole de la magie noire. Lucifer n'a aucune difficulté pour pénétrer dans le cabinet

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de Faust, mais lorsqu'il veut partir, l'unique pointe lui barre le chemin. Il demande à Faust de déplacer le signe, mais ce dernier répond:

"Le pentacle te met en peine? Explique-moi donc, fils de l'enfer, si ce signe t'écarte, comment es-tu entré? (...) Pourquoi ne pas sortir par la fenêtre?"

Et Lucifer de répondre:

"C'est une loi des diables et des autres esprits Qu'ils doivent ressortir par où ils sont entrés. L'un des actes est libre, mais l'autre est imposé."

Avant l'an 33 de notre ère, Jéhovah guidait notre planète dans son orbite et dirigeait de l'extérieur l'humanité sur le sentier de l'évolution. Sur le Golgotha, le Christ a pénétré dans la Terre, qu'Il gouverne maintenant de l'intérieur et qu'Il dirigera jusqu'à ce qu'un nombre suffisant d'êtres humains aient développé le pouvoir de l'âme nécessaire pour conduire la Terre sur son orbite et guider nos plus jeunes frères. Pour cela, il faut être apte à vivre dans un corps vital, capable de lévitation. Le corps vital de Jésus, qui a permis au Christ de pénétrer dans la Terre, est Son unique moyen de retour vers le Soleil. Le Second Avènement se produira donc dans le corps vital de Jésus.

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CHAPITRE 4 - FAUST vend son âme à Satan (1re partie)

Le mythe de Faust nous dépeint une situation curieuse dans la rencontre du héros - l'âme qui cherche - avec différentes classes d'Esprits. L'Esprit de Faust, fondamentalement bon, se sent attiré vers les royaumes supérieurs; il a le sentiment d'une parenté avec le bienveillant Esprit de la Terre, et déplore son impuissance à Le retenir et à en être instruit. Face à face avec l'esprit de négation, qui n'est que trop enclin à donner son enseignement et ses services, il a l'avantage en un certain sens, parce que l'esprit ne peut partir, empêché qu'il est par la position de l'étoile à cinq branches placée sur le seuil. Mais son incapacité à retenir l'Esprit de la Terre et à recevoir Son enseignement, ainsi que sa maîtrise sur l'esprit de négation, sont dues au fait qu'il est entré en contact avec eux par hasard , et non par le pouvoir de l'âme développé intérieurement.

Lorsque Parsifal, le héros d'un autre grand mythe de l'âme, pénètre pour la

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première fois dans le Château du Graal, on lui demande comment il est venu là; et il répond: "Je ne sais pas". Il venait de pénétrer par hasard dans le lieu saint, à la manière de certaines âmes qui ont parfois, l'espace d'un éclair, la vision des mondes célestes; mais il ne peut rester au Mont-Salvat. Il est obligé de retourner dans le monde et d'y apprendre ses leçons. Après de longues années, il revient au Château du Graal, fatigué par ses recherches, et la même question lui est posée: "Comment es-tu venu ici?". Mais cette fois, sa réponse est différente, car il réplique: "A force de chercher et de souffrir, je suis arrivé".

Voici le point capital marquant la différence entre les personnes qui contactent par hasard les Esprits des royaumes hyperphysiques ou qui perçoivent la solution d'une loi de la Nature, et celles qui, par des recherches assidues, et principalement en vivant la vie, parviennent à une Initiation consciente dans les secrets de la Nature. Les premiers ne savent comment utiliser intelligemment leurs pouvoirs et ne sont alors d'aucun secours. Les seconds sont toujours maîtres des forces qu'ils emploient, tandis que les autres sont toujours le jouet de quiconque désire prendre avantage sur eux.

Faust est le symbole de l'homme, et l'humanité a d'abord été conduite par les Esprits Lucifer et les Anges de Jéhovah. Maintenant, nous considérons l'Esprit du Christ dans la Terre comme le Sauveur qui nous émancipe de leur influence égoïste et négative.

Paul donne un aperçu de l'évolution future qui nous est réservée quand il dit que lorsque le Christ aura établi le Royaume, Il le remettra au Père Qui sera alors "Tout en Tous" (I Corinthiens 15:27-28).

Cependant, Faust cherche d'abord à entrer en communication avec le macrocosme, qui est le Père. A l'instar du centaure céleste, le Sagittaire, il pointe son

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arc vers les astres les plus hauts. Il lui déplaît de commencer par le début et de se frayer peu à peu sa voie. Lorsque l'Etre sublime le repousse, il descend d'un degré et cherche à communiquer avec l'Esprit de la Terre qui le repousse également, car il ne peut devenir l'élève des bonnes forces tant qu'il ne s'est pas conformé à leurs lois, afin de pouvoir entrer dans le sentier de l'Initiation par le bon côté. Aussi, lorsqu'il découvre que le pentacle retient le mauvais Esprit, il voit une occasion inespérée de négocier. Il est prêt à vendre son âme à Satan.

Comme nous l'avons déjà dit, il est cependant trop ignorant pour conserver la maîtrise, et le pouvoir de l'esprit supprime rapidement les obstacles, libérant ainsi Lucifer. Mais, bien qu'il quitte la chambre de Faust, il revient bientôt, prêt à faire un pacte avec l'âme qui cherche. Il fait passer devant les yeux de Faust les tableaux les plus vivants de ce que sera son existence et lui montre comment il peut vivre sa vie, satisfaire ses passions et ses désirs. Faust, sachant que Lucifer n'est nullement désintéressé, le questionne sur le prix qu'il en demande. Et Lucifer répond:

"Je m'engage à te servir ici-bas, A t'obéir au moindre signe, Mais quand nous nous rencontrerons dans l'au-delà, Tu devras me rendre la pareille."

Faust ajoute lui-même une condition apparemment singulière quant à l'heure où le service de Lucifer prendra fin, et quant au terme de sa propre vie terrestre.

Aussi étrange que cela puisse paraître l'acceptation de Lucifer et la clause proposée par Faust contiennent des lois fondamentales de l'évolution. Par la Loi d'Attraction, nous attirons à nous des esprits semblables, à la fois ici et dans l'au-delà. Si nous aidons les bonnes forces ici-bas, tout en nous efforçant de nous élever, nous attirons des esprits en harmonie avec nous, dans ce monde et dans l'autre, mais si nous préférons les ténèbres à la

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lumière, nous nous associons avec les êtres inférieurs, ici-même et dans l'au- delà. On ne peut échapper à cette règle.

De plus, nous sommes tous des "constructeurs du temple" oeuvrant sous la direction de Dieu et de Ses ministres, les Hiérarchies divines. Si nous négligeons la tâche qui nous est assignée en cette vie, nous serons placés dans des conditions qui nous obligeront à l'accomplir. Il n'y a ni paix ni repos sur le chemin de l'évolution, et si nous cherchons les plaisirs et la joie à l'exclusion de tout travail utile, la mort sonnera bientôt son glas. Si nous parvenions jamais à un point tel que nous serions prêts à prier l'heure qui passe de durer, où les conditions nous contenteraient tant, que nous cesserions nos efforts vers le progrès, notre existence se terminerait rapidement. Nous pouvons remarquer que ceux qui se retirent de leurs affaires uniquement pour jouir de ce qu'ils ont accumulé s'éteignent bientôt; au contraire, l'homme à la retraite qui se consacre à une autre occupation vit généralement plus longtemps: rien ne termine plus rapidement une existence que l'inaction. Ainsi, les lois de la Nature sont énoncées dans le marché de Lucifer et la condition ajoutée par Faust:

"Si jamais je me plais dans la fainéantise, Que cette heure soit la dernière! Si tu peux me flatter au point Que je me plaise à moi-même, Si tu peux m'abuser par des jouissances, Que c'en soit fait de moi!" (...)

Si jamais je dis à l'instant qui passe: reste donc, tu me plais tant! Tu pourras m'entourer de liens, la cloche des morts pourra sonner, tu seras libéré de mon service, que la pendule s'arrête, que l'aiguille tombe, que pour moi le temps cesse d'exister!"

Lucifer demande à Faust de signer avec une goutte de sang, et lorsque ce

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dernier lui en demande la raison, il répond avec astuce: "Le sang est une essence très spéciale". La Bible nous dit qu'il est le siège de l'âme (Lévitique 17:11-14).

Lorsque la Terre était en cours de condensation, l'aura invisible entourant Mars, Vénus et Mercure interpénétrait notre globe, et les Esprits de ces planètes étaient en relation particulière et étroite avec notre humanité. Le fer est un métal de Mars, et sa présence dans le sang rend l'oxydation possible; de cette façon, la chaleur interne nécessaire à la manifestation d'un Esprit intérieur a été obtenue par l'intermédiaire des Esprits Lucifer de Mars. Ils sont donc les auteurs des conditions qui emprisonnent l'Ego dans le corps dense.

Lorsque le sang est extrait du corps humain et se coagule, chaque particule prend une forme particulière qui ne se retrouve pas dans les particules d'un autre être humain. Ainsi, celui qui possède le sang de quelqu'un a une voie d'accès à l'Esprit qui a construit ces globules sanguins. Il a pouvoir sur cette personne, s'il sait comment utiliser cette connaissance. C'est pourquoi Lucifer exige que Faust signe avec son sang, car avec le nom de sa victime écrit de cette manière, il peut asservir son âme, conformément à la loi que nous venons d'énoncer.

Certes, le sang est une essence très spéciale, aussi importante en magie blanche qu'en magie noire. Toute connaissance employée dans n'importe quelle direction doit nécessairement se nourrir de la vie primitivement dérivée des extraits du corps vital, c'est-à-dire de l'énergie sexuelle et du sang. Toute connaissance qui ne s'alimente pas ainsi est morte et impuissante comme la philosophie que Faust extrayait de ses livres. Aucun livre n'est suffisant par lui-même. Cette connaissance n'a de réelle valeur que dans la mesure où nous l'alimentons et la vivons.

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Mais il y a une grande différence: tandis que l'aspirant, dans les écoles de la Science Sacrée, construit son âme avec sa propre énergie sexuelle et ses passions inférieures enracinées dans son propre sang qu'il transmue et purifie, les adhérents de l'école noire vivent comme des vampires sur la force sexuelle d'autrui et le sang impur extrait des veines de leurs victimes. Dans le Château du Graal, le sang purifié et purificateur accomplit des merveilles sur les êtres chastes qui aspirent à de nobles actions, mais dans le Château d'Hérode, Salomé, la personnification de la volupté, fait courir violemment le sang chargé de passion dans les veines des assistants, et le sang coulant de la tête de Jean-Baptiste martyrisé a servi à leur donner le pouvoir que leur lâcheté ne leur permettait pas d'acquérir en se purifiant par la souffrance.

Faust essaie d'acquérir des pouvoirs rapidement avec l'aide des autres; il touche là un point dangereux, comme ceux qui aujourd'hui cherchent des "maîtres" ou des "adeptes", dont le seul titre est celui qu'ils se sont eux- mêmes donnés, et qui sont prêts à satisfaire les appétits les plus bas de leurs dupes contre rétribution, tout comme Lucifer offre de servir Faust. Mais, quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent pas donner les pouvoirs de l'âme. Ceux-ci viennent de l'intérieur par une patiente persévérance dans le bien, fait qu'on ne saurait rappeler trop souvent.

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CHAPITRE 5 - FAUST vend son âme à Satan (2e partie)

A Lucifer qui lui demande de signer le pacte avec son sang, Faust répond avec mépris:

"Ne crains pas que je viole ma parole; Je mets toute ma force dans cet engagement. J'avais visé trop haut; je suis à ton niveau. Le Grand Esprit m'a dédaigné, et la Nature Se ferme à mon approche. Le fil de ma pensée Est rompu. La science m'est en horreur. Dans les gouffres profonds de la sensualité, Que s'apaisent mes terribles passions! Dans les impénétrables voiles de la magie, Des charmes merveilleux exciteront nos sens!"

Ayant été dédaigné par les puissances du bien, enflammé du désir d'acquérir la connaissance directe pour obtenir un pouvoir réel, il est prêt à tout sacrifier. Mais Dieu dit dans le prologue:

"Un honnête homme, dans ses plus vils désirs, Peut encore trouver le chemin du salut."

Faust représente l'âme qui aspire, et l'âme ne peut pas s'écarter en permanence du sentier de l'évolution. Le but poursuivi par Faust nous démontre

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que même lorsqu'il s'égare dans la fange, son idéal est élevé; il a besoin d'expériences:

"Tu m'entends, il ne s'agit pas de joie; je veux L'ivresse du vertige, l'agonie du plaisir, La haine dans l'amour, la vie dans le dépit . Revenu de l'amour de la science, mon coeur Ne sera plus fermé à aucune douleur. Ce qui est le partage de l'humanité entière, Je veux le ressentir au plus profond de moi. Je veux, par mon esprit, connaître le plus haut, Et aussi le plus bas; entasser sur mon coeur, Le bien comme le mal qui est, hélas! son lot, Et me gonflant comme elle, finir par me briser!"

Avant que quiconque puisse devenir véritablement compatissant, il doit ressentir, comme que Faust le désire, toute la profondeur des souffrances de l'âme humaine, aussi bien que ses joies les plus extatiques; car c'est seulement lorsque nous connaissons ces extrêmes de la passion humaine que nous pouvons ressentir la compassion nécessaire à ceux qui désirent aider à l'élévation de l'humanité. Avec l'aide de Lucifer, Faust peut apprendre à connaître la joie et la souffrance, et dans ce sens, Lucifer est vraiment comme il le dit:

"Le pouvoir qui oeuvre pour le bien, Tout en voulant le mal."

L'intervention des Esprits Lucifer dans le plan de l'évolution intensifie et canalise les passions humaines, occasionnant toutes les souffrances et les maladies du monde. Néanmoins, leur intervention a éveillé l'individualité de l'homme et l'a libéré de la tutelle des Anges. Faust, également avec l'aide de Lucifer, est conduit hors des sentiers conventionnels, et s'individualise ainsi. Faust et Lucifer, dans le marché qu'ils viennent de conclure, sont la réplique des Fils de Caïn, qui sont les descendants et les protégés des Esprits Lucifer, comme nous l'avons vu dans "Franc-Maçonnerie et Catholicisme".

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Dans la tragédie de Faust, Marguerite est la protégée des Fils de Seth, la prêtrise décrite dans la légende Maçonnique. Les deux classes représentées par Faust et Marguerite doivent se rencontrer, et entre ces deux se jouera la tragédie de la vie, et des souffrances endurées par chacune, l'âme développera des ailes qui l'élèveront de nouveau vers les régions de félicité d'où elle vient.

Pendant ce temps, Lucifer conduit Faust dans la cuisine d'une sorcière qui lui donne un élixir de jeunesse afin que, rajeuni, il puisse devenir désirable aux yeux de Marguerite. Quand "Faust" est représenté sur scène, la cuisine de la sorcière est pleine d'instruments présumés utiles aux opérations magiques, et autres bizarreries: un feu d'enfer brûle sous une marmite contenant des philtres d'amour. Passons sous silence les objets inanimés pour étudier la signification de la famille de singes que nous voyons là, car il représentent une phase de notre évolution.

Remplie de la passion instillée par les Esprits Lucifer ou Anges déchus, l'humanité s'est détachée des Anges guidés par Jéhovah. En conséquence du pouvoir cristallisant du désir, des "vêtements de peau" ont bientôt revêtu les humains, les séparant les uns des autres. L'égotisme a remplacé le sentiment de fraternité à mesure que l'on approchait du point le plus bas de la matérialité. Quelques-uns, plus passionnés que d'autres, ont cristallisé leur corps à un plus grand degré, si bien qu'ils ont dégénéré et sont devenus des anthropoïdes. Leur taille s'est réduite de plus en plus en approchant du point où toute espèce s'éteint. Ils sont donc tout spécialement confiés aux Esprits Lucifer. Ainsi le mythe de Faust nous montre une phase de l'évolution humaine qui ne figure pas dans la légende Maçonnique, et il nous donne une vue plus étendue de ce qui s'est réellement produit.

A un moment donné, toute l'humanité se trouvait au point considéré par les

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savants comme le "chaînon manquant". Ceux qui sont actuellement des singes ont dégénéré à partir de ce moment, tandis que la famille humaine évoluait jusqu'à son degré actuel de développement. Nous savons à quel abrutissement conduit l'abandon aux passions, et nous comprenons facilement qu'au moment où l'homme était en formation, non individualisé, et sous le contrôle direct des forces cosmiques, cet abandon ne pouvait être réfréné par la conscience de soi qui nous en protège partiellement aujourd'hui. Les résultats ont donc été plus profonds et plus désastreux.

A un certain moment, l'âme qui aspire, entre, comme Faust, dans la cuisine de la sorcière et réalise la leçon objective des conséquences du mal représenté par les singes. L'âme est ensuite laissée seule dans le jardin où elle rencontre Marguerite, pour tenter et être tentée, pour choisir entre la pureté et la passion, succomber comme Faust ou rester fermement fidèle à la pureté comme Parsifal. Conformément à la loi de Compensation, elle recevra alors son salaire pour les actions accomplies dans le corps dense. Vraiment, la chance est liée au mérite, ainsi que Lucifer le dit à Faust, et la véritable sagesse ne peut s'acquérir que par une patiente persistance dans le bien:

"De combien près la chance est liée au mérite, Le sot n'en est jamais conscient. S'il possédait la pierre philosophale, Elle serait, je gage, sans son philosophe."

Fidèle à son propos d'étudier la vie plutôt que les livres, Faust demande à Lucifer de le faire admettre chez Marguerite, et s'efforce de gagner son coeur par le cadeau princier de joyaux précieux que Lucifer introduit subrepticement dans son placard. Le frère de Marguerite se bat au loin pour son pays. Sa mère est indécise et ne sait pas ce qu'il convient de faire de ces bijoux; elle les

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apporte au conseiller spirituel de son église. Mais ce dernier préfère les pierres brillantes aux âmes précieuses confiées à ses soins. Il néglige son devoir pour un collier de perles, plus désireux de s'assurer des gemmes pour en parer une idole que de protéger l'enfant de l'église contre les dangers de moralité qui rôdent sournoisement autour d'elle. Ainsi, Lucifer parvient à ses fins et récolte bientôt un butin de sang et d'âmes humaines, car pour accéder à la chambre de Marguerite, Faust la décide à administrer à sa mère un somnifère qui entraîne sa mort. Valentin, le frère de Marguerite, est tué par Faust, Marguerite est jetée en prison et condamnée à la peine capitale.

Si nous nous rappelons que le sang est le siège de l'âme, et qu'il adhère à la chair d'une personne dont la fin est soudaine avec la même tenacité que la pulpe tient au noyau d'un fruit vert, on comprend qu'une grande souffrance résulte d'une pareille mort. Les Esprits Lucifer se délectent de l'intensité des sentiments et évoluent par elle. Pour eux, la nature d'une émotion n'importe pas autant que son intensité. Ils excitent les passions de notre nature inférieure parce qu'elles sont plus intenses à notre degré d'évolution que les sentiments de joie et d'amour. C'est pourquoi ils incitent à la guerre et aux effusions de sang, et nous semblent mauvais actuellement, mais ils agissent, en réalité, à la manière d'échelons conduisant à des idéaux plus nobles et plus élevés, car à travers la douleur et la souffrance telles que celles engendrées dans le coeur de Marguerite, l'Ego s'élève sur l'échelle de l'évolution. C'est par un faux-pas dans la direction du vice qu'il apprend la valeur de la vertu.

Par une juste appréciation de ce fait, Goethe a écrit:

"Qui n'a jamais mangé son pain dans la tristesse, Qui n'a jamais passé les heures de la nuit A pleurer dans l'attente du matin, Ne vous connaît pas, ô pouvoirs célestes!"

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CHAPITRE 6 - FAUST - Le salaire du péché et le chemin du salut

"Le salaire du péché, c'est la mort", dit la Bible (Romains 6:23), et lorsque nous semons dans la chair, nous devons nous attendre à récolter la corruption. Il n'est pas surprenant qu'un caractère négatif comme la classe des Fils de Seth, symbolisée par Marguerite, devienne rapidement la proie de cette loi de la Nature. L'inquiétude soudaine de Marguerite après son crime de matricide montre la manière dont agit la loi. La sainte horreur de l'église qui a négligé de la protéger alors qu'il en était encore temps est un exemple de la manière dont la société cherche à couvrir ses négligences et lève les bras au ciel, scandalisée par les crimes dont elle est responsable dans une large mesure.

Si le prêtre avait gagné la confiance de Marguerite au lieu de convoiter ses bijoux, il aurait pu la garder du malheur qui s'est abattu sur elle, et même en ayant souffert de la perte de son amant, elle serait restée pure. Cependant, c'est à travers l'intensité de la douleur que l'âme qui souffre

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trouve le chemin du retour à la source de son être, car nous avons tous, comme des enfants prodigues, quitté notre Père dans les Cieux; nous avons tous erré loin des royaumes de l'esprit pour nous nourrir des gousses de la matière, récolter des expériences et gagner l'individualité.

Lorsque nous sommes dans l'abîme du désespoir, nous commençons à entrevoir notre parenté divine et nous nous écrions: "Je me lèverai et j'irai vers mon Père". Ni l'appartenance aux églises, ni l'étude du mysticisme d'un point de vue intellectuel, ne nous orientent sur la direction à prendre, chose nécessaire avant de pouvoir suivre le Sentier. Mais lorsque nous sommes privés de toute aide terrestre, lorsque nous sommes malades et emprisonnés, nous sommes plus proches du Sauveur et lui devenons plus chers qu'en tout autre temps. Par conséquent, Marguerite en prison, au ban de la société, est plus près de Dieu que la Marguerite innocente, belle et pure qui rencontra Faust dans le jardin.

Le Christ n'a aucun message pour ceux qui sont satisfaits qui aiment le monde et ses fastes. Tant qu'ils sont dans cet état d'esprit, Il ne peut leur parler, et eux ne sauraient entendre Sa voix. Il y a pourtant une infinie tendresse dans les paroles du Sauveur: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos" (Matthieu 11:28). L'âme pécheresse, symbolisée par Marguerite, seule dans sa cellule, mise au ban de la société comme une brebis galeuse, est poussée à implorer le ciel, et elle ne prie pas en vain. Cependant, jusqu'au dernier moment, les tentations assaillent l'âme qui cherche. La porte de l'enfer et celle du ciel sont également proches du cachot de Marguerite au moment où Faust et Lucifer viennent la visiter et tenter de la tirer de sa prison et d'une mort imminente, vers une vie de honte et d'esclavage. Mais elle tient ferme; elle

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préfère la prison et la mort à la vie et la liberté en compagnie de Lucifer. Elle a passé l'épreuve, et elle est digne du Royaume de Dieu.

Salomon était le vassal de Jéhovah et lié, comme Fils de Seth, au Dieu qui l'avait créé, lui et ses ancêtres. Mais, quand il revint dans une vie suivante, sous le nom de Jésus, il laissa son premier Maître au Baptême et reçut alors l'Esprit du Christ. Ainsi, tous les Fils de Seth devront un jour quitter leurs gardiens et choisir le Christ, sans égard pour le sacrifice consenti, dût-il leur en coûter la vie.

Dans sa prison, Marguerite prend cette importante décision qui la qualifie pour la citoyenneté des Nouveaux Cieux et de la Nouvelle Terre par sa foi dans le Christ. Quant à Faust, il demeure avec l'Esprit Lucifer pendant un temps considérable. C'est un caractère plus positif, un vrai Fils de Caïn et, bien que le salaire du péché doive lui amener finalement la mort, le salut peut lui venir par une conception plus pure de l'amour et par les oeuvres.

Dans la seconde partie de Faust, nous retrouvons le héros, l'esprit brisé par le désastre qui s'est abattu sur Marguerite et dont il fut l'instrument. Il comprend sa faute et commence à gravir le chemin de la rédemption. Il se sert de l'Esprit Lucifer, lié à lui par le sang, pour atteindre son but. Il devient un facteur influent dans les affaires gouvernementales, car les Fils de Caïn aiment la politique, de même que les Fils de Seth se plaisent dans les affaires de l'église.

Non content cependant de servir dans les conditions existantes, Faust oblige les forces diaboliques à créer un pays, à le faire surgir des eaux, pour fonder une Nouvelle Terre. Il fait un rêve utopique, dans lequel il voit cette terre libre devenir la patrie d'un peuple indépendant qui habitera là en paix et heureux en vivant les plus nobles idéaux.

Cet idéal prend naissance en son âme par l'amour d'une personne nommée Hélène,

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amour de la nature la plus douce et la plus spirituelle, complètement différent de la passion et de la sensualité. Avec le temps, il voit la terre émerger de la mer, mais ses yeux se voilent de cécité, car il transfère son regard d'une condition terrestre à une condition céleste. Tandis qu'il voit les forces commandées par Lucifer travailler sous ses ordres jour et nuit, Faust comprend qu'il a réalisé le postulat de Lucifer:

"Le pouvoir qui oeuvre pour le bien, Tout en voulant le mal."

Il voit son oeuvre avec les forces inférieures sur le point d'être achevée, mais sa vue baisse, et avec l'intense désir qui saisit toute âme désireuse de contempler le fruit de ses travaux, il veut conserver sa vue jusqu'à la réalisation de son rêve - cette terre émergeant des eaux et ce peuple heureux vivant en toute fraternité. Comme sa vision commence à s'estomper devant ses yeux faibles, il murmure les mots fatals déjà prononcés au moment de son marché avec Lucifer:

"Si jamais je dis à l'instant qui passe: Reste donc, tu me plais tant ! Tu pourras m'entourer de liens, La cloche des morts pourra sonner, Tu sera libéré de mon service. Que la pendule s'arrête, que l'aiguille tombe, Que pour moi le temps cesse d'exister!"

Selon les termes du contrat, une fois que Faust a prononcé les mots fatidiques, les forces infernales sont libérées de leur servitude envers lui, mais lui, en retour, devient leur proie, du moins en apparence. Mais Faust ne désirait nullement arrêter la marche du temps pour jouir des plaisirs des sens ou pour satisfaire des désirs égoïstes, comme le prévoyait le marché. Il souhaitait consacrer son heure dernière à contempler la réalisation d'un idéal altruiste et noble. Il est donc réellement libéré de Lucifer et une bataille

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entre les forces angéliques et les suppôts de Lucifer se termine par une victoire des Anges qui emportent l'âme qui cherche dans le repos céleste, au royaume du Christ, en chantant:

"Sauvée des pièges du Malin est la noble âme; Celui qui ne cesse de s'efforcer, Nous pouvons certes le sauver. S'il a même goûté à l'amour céleste, Les anges descendent à sa rencontre Et l'accueillent par des vivats."

Ainsi, le Faust du mythe est un personnage bien différent du Faust de la scène. Le drame qui débute dans les cieux où Lucifer est autorisé à tenter Faust, comme Job le fut dans les temps anciens, se termine également dans les cieux quand la tentation a été surmontée et que l'âme retourne vers son Père.

Goethe, le grand mystique, termine magistralement son texte par la strophe la plus mystique que l'on puisse trouver en littérature:

"Ce qui est transitoire N'est qu'une apparence, Et l'inaccessible Devient réalité. Ce qui est indescriptible Est ici atteint. L'Eternel Féminin Nous attire à lui."

Cette strophe rend perplexes tous ceux qui sont incapables de pénétrer dans les royaumes où elle est censée être chantée. Elle exprime que tout ce qui est périssable n'est qu'une apparence, c'est à dire que les formes matérielles qui sont vouées aux transmutations et à la mort ne sont que les images des archétypes visibles dans le ciel. "L'inaccessible devient ici réalité": ce qui est impossible sur terre est accompli dans le ciel, et nul ne le sait mieux que celui qui peut fonctionner dans ce monde, car là chaque aspiration noble

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et élevée y trouve son expression. Les désirs, les idées et les expériences indescriptibles que l'âme ne peut même pas exprimer sont clairement définies dans le ciel; l'Eternel Féminin, la grande Force Créatrice de la Nature, la Mère Divine, qui nous pousse le long du sentier de l'évolution, devient là une réalité. Ainsi, le mythe de Faust nous conte l'histoire du Temple du Monde construit par deux classes d'humains; ce temple qui sera un jour les Nouveaux Cieux et la Nouvelle Terre prophétisés dans la Bible.

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CHAPITRE 7 - PARSIFAL - Célèbre drame mystique musical de WAGNER

En regardant autour de nous dans l'univers matériel, nous voyons une myriade de formes, et toutes ont une certaine couleur , et beaucoup d'entre elles émettent un son défini; on peut même dire toutes, car le son existe même dans la Nature dite inanimée. Le vent dans la cime des arbres, le murmure du ruisseau, la houle de l'océan, sont tous des contributions précises à l'harmonie de la Nature.

De ces trois attributs de la Nature, forme, couleur et son, la forme est la plus stable, elle tend à demeurer très longtemps dans le statu quo et ne se modifie que lentement. Par contre la couleur change plus rapidement: elle passe, et certaines couleurs changent de nuance selon l'angle de la lumière; mais le son est le plus insaisissable des trois; il va et vient comme un feu follet que nul ne peut saisir ni retenir. Nous avons aussi trois arts qui cherchent à exprimer le bien, le vrai et le beau dans ces trois attributs du Monde de l'Ame: la sculpture, la peinture et la musique .

Le sculpteur, qui s'occupe de la forme, cherche à emprisonner la beauté dans

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une statue de marbre qui résistera aux ravages du temps durant des millénaires; mais une statue de marbre est froide et ne parle qu'aux êtres les plus évolués qui sont capables de lui infuser leur propre vie.

L'art du peintre traite essentiellement de la couleur; il ne donne pas de forme tangible à ses créations; la forme en peinture est une illusion selon le point de vue matériel, et pourtant elle est beaucoup plus réelle pour la plupart des gens que la statue réelle, tangible, car les formes du peintre sont vivantes ; il y a une beauté vivante dans l'oeuvre picturale d'un grand artiste, une beauté que beaucoup peuvent apprécier et goûter.

Mais dans le cas d'une oeuvre peinte, nous sommes à nouveau affectés par le caractère variable de la couleur; le temps ternit bientôt sa fraîcheur et, dans le meilleur des cas, bien entendu, aucune peinture ne peut survivre à une statue.

Néanmoins, dans ces deux arts qui traitent de la forme et de la couleur, la création est faite une fois pour toute; ils ont cela de commun, et par là diffèrent radicalement de l'art du son, car la musique est si insaisissable qu'elle doit être recréée chaque fois que nous désirons la goûter, mais en retour elle a le pouvoir de parler à tous les êtres humains d'une manière qui surpasse entièrement les deux autres arts. La musique accroît nos plus grandes joies et adoucit nos plus profonds chagrins; elle peut calmer la passion la plus sauvage et inciter à la bravoure le plus grand des poltrons; elle exerce sur de l'humanité changeante l'influence la plus puissante que l'on connaisse, et pourtant, envisagée au seul point de vue matériel, elle est superflue comme l'ont démontré Darwin et Spencer.

Ce n'est qu'en passant derrière les scènes du visible et en prenant conscience que l'homme est un être composite, Esprit, âme et corps, que nous parvenons à comprendre pourquoi les produits de ces trois arts nous affectent si différemment.

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Tandis que l'homme vie une vie extérieure dans le monde de la forme, où il vit une vie de forme parmi d'autres formes, il vit aussi une vie intérieure qui est d'une importance beaucoup plus grande pour lui; une vie dans laquelle ses sentiments, ses pensées et émotions créent devant sa "vision intérieure" des images et des scènes qui changent perpétuellement; et plus cette vie intérieure est complète, moins l'homme aura besoin de chercher de la compagnie en dehors de lui-même, car il est sa meilleure compagnie, indépendant du divertissement extérieur si ardemment recherché par ceux dont la vie intérieure est stérile; par ceux qui connaissent une foule de gens, mais sont étrangers à eux-mêmes, ayant peur de leur propre compagnie.

Si nous analysons cette vie intérieure, nous trouverons qu'elle est double: (1) la vie de l'âme, qui traite des sentiments et des émotions ; (2) l'activité de l'Ego, qui dirige toutes les actions par la pensée.

Tout comme le monde physique est la base dont furent tirés les matériaux de notre corps dense, et qui est par excellence le monde de la forme, il y a aussi un monde de l'âme, appelé le Monde du Désir par les Rosicruciens, qui est la base dont a été tiré le subtil vêtement de l'Ego, que nous appelons l'âme, et qui est en particulier le monde de la couleur. Mais le Monde de la Pensée, encore plus subtil, est la demeure de l'Esprit humain, l'Ego, et aussi le royaume du son. Pour cette raison, des trois arts, c'est la musique qui a le plus grand pouvoir sur l'homme, car pendant notre séjour dans cette vie terrestre nous sommes exilés de notre demeure céleste et l'avons souvent oubliée dans nos poursuites matérielles, mais voilà que se fait entendre la musique, un parfum suave chargé d'ineffables souvenirs. Comme un écho de notre

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demeure, elle nous rappelle ce pays oublié où tout est joie et paix, et bien que nous puissions railler de telles idées dans notre esprit matériel, l'Ego reconnaît dans chaque note bénie un message de sa patrie et s'en réjouit.

Cette compréhension de la nature de la musique est nécessaire pour apprécier à sa juste valeur un aussi grand chef-d'oeuvre que "Parsifal" de Richard Wagner, où la musique et les caractères sont plus intensément liés que dans toute autre production musicale moderne.

L'opéra de Wagner est inspiré de la légende de Parsifal dont l'origine se perd dans le mystère qui recouvre l'enfance de la race humaine. Il est erroné de penser qu'un mythe est une fiction de la fantaisie humaine, n'ayant aucun fondement. Au contraire, un mythe est un écrin contenant parfois les plus profonds et les plus précieux joyaux de vérité spirituelle, perles d'une beauté si rare et si éthérée qu'elles ne supportent pas d'être exposées à l'intellect matériel.

Pour les protéger et en même temps leur permettre de travailler sur l'humanité en vue de son élévation spirituelle, les Grands Instructeurs qui guident l'évolution, invisibles, mais puissants, ont donné à l'humanité naissante ces vérités spirituelles enchâssées dans le symbolisme pittoresque des mythes, afin qu'elles puissent travailler sur nos sentiments jusqu'à ce que nos intellects naissants soient parvenus à une évolution et à une spiritualité suffisantes pour qu'à la fois nous puissions ressentir et savoir.

En vertu du même principe nous donnons à nos enfants des leçons de morale par le moyen de livres d'images et de contes de fées, réservant à plus tard un enseignement plus direct.

Wagner fit plus que simplement copier la légende. Les légendes, comme d'autres choses, se cristallisent par la transmission et perdent leur beauté; et c'est une autre évidence de la grandeur de Wagner de n'avoir jamais été lié, dans

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son expression, par la mode ou le credo. Il a toujours accordé à l'art la prérogative en traitant les allégories librement et sans contrainte.

Comme il l'écrit dans Religion et Art: "On peut dire que là où la religion devient artificielle, il est réservé à l'art de sauver l'esprit de la religion en reconnaissant la valeur figurative du symbole mythique auquel la religion voudrait nous faire croire dans son sens littéral et qui au contraire, par une présentation idéale, révèle des vérités profondes et cachées (...) Tandis que le prêtre n'hésite pas à faire accepter les allégories religieuses comme des faits, l'artiste ne s'en soucie nullement, puisqu'il donne librement et ouvertement son oeuvre comme sa propre invention. Mais la religion a sombré dans une vie artificielle lorsque, pour se maintenir, elle est obligée d'ajouter à l'édifice de ses symboles dogmatiques, et dissimule ainsi la vérité divinement une, sous un amoncellement croissant d'articles de foi auxquels il est recommandé de croire. Ressentant ceci, elle a toujours cherché l'aide de l'art qui, à ses côtés, est resté incapable d'une évolution plus grande et il en sera ainsi tant qu'il devra présenter aux fidèles une prétendue réalité faite de fétiches et d'idoles, alors qu'il ne peut remplir sa vraie vocation que s'il conduit, par la présentation idéale de l'allégorie, à la compréhension de son contenu intérieur: la vérité divine ineffable."

En considérant maintenant le drame de Parsifal, nous voyons que la première scène se passe sur le domaine du Château de Mont-Salvat. C'est un lieu de paix où toute vie est sacrée; les animaux et les oiseaux sont familiers, car, comme tous les véritables saints, les chevaliers sont inoffensifs, ne tuant, ni pour se nourrir ni pour se divertir. Ils appliquent la maxime "Vivre et laisser vivre", à toute créature vivante.

C'est l'aube, et nous voyons Gurnemanz, le doyen des Chevaliers du Graal, sous un arbre avec deux jeunes écuyers. Ils viennent de s'éveiller de leur repos

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nocturne, et ils observent de loin Kundry qui arrive au galop de son fougueux coursier. Kundry est une créature qui mène une double existence; dans l'une, elle est servante du Graal, désireuse de seconder les desseins des Chevaliers du Graal par tous les moyens en son pouvoir; ceci semble être sa véritable nature. Dans son autre existence, elle est l'esclave involontaire du magicien Klingsor, qui l'oblige à tenter les Chevaliers du Graal et à les harceler, bien qu'elle brûle de les servir. La porte menant d'une existence à l'autre est le "sommeil", et Kundry est tenue de servir celui qui la trouve et l'éveille. Lorsque c'est Gurnemanz qui la trouve, elle est la servante empressée du Graal, mais lorsque Klingsor l'évoque, par ses maléfices, il a droit à ses services qu'elle le veuille ou non.

Au premier acte, Kundry est vêtue d'une robe en peau de serpent, symbole de la doctrine de renaissance, car, de même que le serpent se dépouille, l'une après l'autre, des peaux qui émanent de lui-même, ainsi l'Ego, au cours de son pèlerinage évolutionnaire, émane de lui-même un corps après l'autre, puis s'en dépouille comme le serpent de ses peaux, une fois que ces corps se sont durcis, affaissés et cristallisés de manière à perdre leur efficience. Cette idée de renaissance est aussi liée à la Loi de Conséquence, qui nous fait récolter ce que nous avons semé, ce que Gurnemanz explique au jeune écuyer, en réponse à l'aveu de sa méfiance à l'égard de Kundry:

"Peut-être est-elle sous la fatalité De quelque vie d'un obscur passé, Cherchant à se racheter du péché Par des actes de service envers nous. Sans doute est-elle à la recherche du bien, S'aidant elle-même, tandis qu'elle nous sert."

Lorsque Kundry arrive en scène, elle tire de son sein une fiole qu'elle dit avoir rapportée d'Arabie et dont le contenu, espère-t-elle, sera un baume pour

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la blessure qu'Amfortas, le roi du Graal, porte à son côté, qui lui cause d'intolérables souffrances et qui ne veut pas guérir. Vient alors à passer le roi malade, porté sur une litière, en route vers le lac voisin où il se baigne chaque jour. Deux cygnes qui en agitent l'eau la transforment en une lotion bienfaisante qui apaise ses terribles souffrances. Amfortas remercie Kundry, tout en émettant l'avis qu'il n'y aura pas de soulagement pour lui avant l'arrivée du libérateur dont le Graal a prédit la venue: "chaste fou, illuminé par la pitié". Cependant, le roi pense que sa mort surviendra avant sa délivrance.

Puis l'on emporte Amfortas, et quatre des jeunes écuyers entourent Gurnemanz, et lui demandent de leur raconter l'histoire du Graal et de la blessure d'Amfortas. Ils s'installent sous l'arbre, et Gurnemanz commence son récit:

Le soir où notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ célébra la Dernière Cène avec Ses disciples, Il but d'un certain calice dont, plus tard, s'est servi Joseph d'Arimathie pour recueillir le sang de vie coulant de la blessure au côté du Rédempteur. Il conserva aussi la lance ensanglantée qui infligea la blessure, et transporta avec lui ces reliques à travers bien des périls et des persécutions. Enfin, des Anges en prirent soin jusqu'à une nuit où un messager mystique envoyé de Dieu apparut à Titurel, le père d'Amfortas, et lui ordonna de construire un château pour abriter ces reliques et les sauvegarder. Ainsi fut construit, sur une haute montagne , le Château du Mont-Salvat, où furent déposées ces reliques sous la garde de Titurel et d'une compagnie de saints et chastes chevaliers réunis autour de lui. Ce Château devint un centre d'où de puissantes influences spirituelles rayonnèrent sur le monde extérieur.

Mais en bas, dans la vallée impie, vivait un chevalier noir, qui n'était

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point chaste, mais désirait néanmoins devenir Chevalier du Graal et à cette fin, il s'était mutilé. Il se privait ainsi du moyen de satisfaire sa passion, mais cette passion subsistait . Ayant vu son coeur plein de noirs désirs, le roi Titurel lui refusa l'entrée du Château. Alors Klingsor jura que s'il ne pouvait servir le Graal, le Graal devrait le servir. Il construisit un château entouré d'un jardin enchanté et le peupla de filles d'une merveilleuse beauté, émettant un parfum comme les fleurs, qui attiraient les chevaliers du Graal (obligés de passer devant ce château pour quitter Mont-Salvat ou s'y rendre) et leur dressaient des pièges pour les amener à trahir leur responsabilité et à violer leur voeu de chasteté. Ils devenaient alors prisonniers de Klingsor, et bien peu sont restés comme défenseurs du Graal.

Dans l'intervalle, Titurel avait transféré la garde du Graal à son fils Amfortas, et ce dernier, voyant le grave ravage causé par Klingsor, résolut de rencontrer le magicien et de le combattre. A cette fin, il prit avec lui la sainte lance.

L'astucieux Klingsor ne rencontra pas lui-même Amfortas, mais évoqua Kundry et transforma la hideuse servante du Graal en une femme d'une incomparable beauté. Sous l'enchantement magique de Klingsor, elle s'approcha d'Amfortas et le tenta. Cédant à ses séductions, il tomba dans ses bras et laissa échapper la sainte lance. Apparaissant alors, Klingsor s'en saisit et en infligea une blessure au chevalier désarmé. Sans les efforts héroïques de Gurnemanz, il aurait emporté Amfortas comme prisonnier dans son château magique. Cependant, Klingsor possède maintenant la sainte lance, et la souffrance a fait du roi un invalide, car sa blessure ne veut pas guérir.

A ces mots, les jeunes écuyers, tout enflammés d'ardeur, se lèvent d'un bond, jurant de vaincre Klingsor et de recouvrer la lance. Secouant tristement la

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tête, Gurnemanz leur répond que la tâche est au-dessus de leurs forces, mais réitère la prophétie que la rédemption sera accomplie par un "fou au coeur pur, illuminé par la pitié.

On entend alors des cris: "Le cygne! oh, le cygne!", et un cygne battant des ailes vient s'abattre aux pieds de Gurnemanz et des écuyers, fort émus à cette vue. D'autres écuyers amènent un robuste garçon armé d'un arc et de flèches qui, à la question de Gurnemanz attristé: "Pourquoi avez-vous tué la créature inoffensive?" répond innocemment: "Etait-ce mal?" Gurnemanz lui parle alors du roi malade, de ses souffrances et du rôle joué par le cygne dans la préparation du bain salutaire. Parsifal est profondément ému à ce récit et brise son arc.

Dans toutes les religions, l'esprit qui vivifiant a été représenté symboliquement par un oiseau. Au Baptême, lorsque le corps de Jésus était dans l'eau, l'Esprit du Christ descendit en lui comme une colombe. "L'Esprit se meut sur les eaux", un médium fluidique, comme les cygnes se meuvent sur le lac sous l'Yggdrasil, l'arbre de vie de la mythologie nordique, ou sur les eaux du lac dans la légende du Graal. C'est pourquoi l'oiseau est une représentation directe de l'influence spirituelle la plus élevée, et les chevaliers peuvent bien être triste à sa perte. La vérité a de multiples faces. Il y a au moins sept interprétations valables pour chaque mythe, une pour chaque monde et, considérées du point de vue matériel et littéral, la naissance de la compassion engendrée en Parsifal et la rupture de son arc, marquent un pas décisif dans la vie supérieure. Nul ne peut être vraiment compatissant et devenir un aide dans l'évolution aussi longtemps qu'il tue pour manger, qu'il le fasse lui-même ou par personne interposée. Une vie inoffensive est une nécessité absolue, essentielle et préalable à une vie secourable.

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Gurnemanz commence alors à interroger Parsifal: qui est-il, comment est-il venu au Mont Salvat? Parsifal manifeste la plus surprenante ignorance. A toutes les questions il répond "Je ne sais pas". Finalement Kundry prend la parole: "Je puis vous dire qui il est. Son père était le noble Gamuret, prince parmi les hommes, qui est mort au combat en Arabie alors que cet enfant était encore dans le sein de sa mère, Herzleide. A son dernier soupir, son père le nomma Parsifal, "le fou au coeur pur". Craignant qu'en grandissant il n'apprenne l'art de la guerre et ne soit enlevé à sa tendresse, sa mère l'éleva dans une forêt profonde, dans l'ignorance des armes et de la guerre".

Ici, Parsifal enchaîne: "Oui, et un jour, je vis des hommes sur des bêtes magnifiques; je voulus être comme eux, alors je les suivis pendant bien des jours, jusqu'à ce qu'enfin j'arrive ici, et je dus combattre de nombreux monstres ressemblant à des hommes."

Cette histoire nous offre une excellente image de l'âme à la recherche des réalités de la vie. Gamuret et Parsifal sont des phases différentes de la vie de l'âme. Gamuret est l'homme du monde, mais vient le moment où il épouse Herzleide, mot qui signifie l'affliction du coeur. Il rencontre donc la douleur et meurt au monde, comme le font tous ceux qui entrent dans la vie supérieure. Quand la barque de la vie flotte sur les mers d'été et que notre existence ressemble à un long et doux chant, rien ne nous incite à nous tourner vers ce qui est supérieur; toutes les fibres de notre corps crient "Ceci me suffit", mais lorsque la houle de l'adversité gronde autour de nous et que chaque vague menace de nous engloutir, alors nous épousons l' "affliction du coeur", devenons des hommes de douleur et sommes prêts à "naître" comme Parsifal, le fou au coeur pur ou l'âme qui a oublié la sagesse

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du monde et cherche la vie supérieure. Tant qu'un homme cherche à accumuler de l'argent ou à se donner ce qu'on appelle à tort "du bon temps", sa sagesse est celle du monde; mais lorsqu'il se tourne vers les choses de l'Esprit, il passe pour un fou aux yeux du monde. Il oublie tout de sa vie passée et laisse ses chagrins derrière lui, comme Parsifal laissa Herzleide, et l'on nous dit qu'elle mourut lorsque Parsifal ne revint pas. Ainsi le chagrin meurt-il lorsqu'il a donné naissance à l'âme qui aspire, qui fuit le monde; elle peut être dans le monde pour remplir son devoir, mais elle n'est pas de ce monde.

Gurnemanz est maintenant pénétré de l'idée que Parsifal doit être le libérateur d'Amfortas, et il l'emmène au Château du Graal. A la question de Parsifal "Qui est le Graal?" il répond:

"Nous ne pouvons le dire Si c'est Lui qui t'appelle, La vérité, à tes yeux, ne restera point cachée, Et il me semble bien reconnaître ton visage. Aucun chemin ne conduit à son royaume, Et le rechercher ne fait que l'éloigner, Lorsque lui-même n'est point le guide."

Wagner, ici, nous ramène aux temps antérieurs au Christianisme, car avant l'avènement du Christ, l'Initiation n'était pas accessible à "quiconque voulait" la chercher de la bonne manière, mais elle était réservée à certains élus, tels les Brahmanes et les Lévites, qui recevaient des privilèges spéciaux en retour de leur consécration au service du temple. La venue du Christ a toutefois apporté certains changements bien déterminés dans la constitution des humains, si bien que tous sont maintenant capables d'entrer dans le sentier de l'Initiation. Il devait en être ainsi lorsque les mariages internationaux ont supprimé les castes.

Au Château du Graal, Amfortas est prié par tous de célébrer le rite sacré du

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service du Graal, de découvrir le saint calice, afin que sa vue renouvelle, l'ardeur des chevaliers et les stimule dans l'accomplissement du service spirituel; mais il se dérobe, par peur de la douleur que lui cause chaque fois cette vision. Sa blessure au côté recommence toujours à saigner à la vue du Graal, comme la blessure du remords nous fait tous souffrir lorsque nous avons péché contre notre idéal.

Il cède enfin aux instances de son père et des chevaliers. Il célèbre le rite sacré, bien qu'en même temps, il souffre la plus atroce des agonies, et Parsifal, debout dans un coin, ressent par sympathie la même douleur, sans comprendre pourquoi; et lorsque Gurnemanz, après la cérémonie, le presse de dire ce qu'il a vu, il reste muet, aussi est-il chassé du château par le vieux chevalier irrité et déçu.

Les sentiments et les émotions que la connaissance ne modère pas sont des sources fertiles de tentation. Pour l'âme qui aspire, le fait d'être inoffensive et naïve en fait souvent une proie facile du péché. Il est nécessaire à la croissance de l'âme que ces tentations surviennent pour faire ressortir nos points faibles. Si nous succombons, nous souffrons comme Amfortas, mais la souffrance développe la conscience et donne l'horreur du péché et nous fortifie contre la tentation. Tout enfant est innocent parce qu'il n'a pas été tenté, mais ce n'est que lorsque nous avons été tentés et que nous sommes restés purs, ou lorsque nous avons failli, nous sommes repentis et réformés, que nous sommes vertueux . C'est pourquoi Parsifal doit être tenté.

Au deuxième acte, nous voyons Klingsor évoquant Kundry, car il a épié Parsifal se dirigeant vers son château, et il le craint davantage que tous ceux qui sont venus avant lui, parce que c'est un fou . Un sage du monde est facilement pris au piège des filles-fleurs, mais la naïveté de Parsifal le

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protège, et lorsque les filles-fleurs se groupent autour de lui, il demande innocemment: "Etes-vous des fleurs, que votre parfum est si doux?". Contre lui, les savants artifices de Kundry sont nécessaires, et bien qu'elle supplie, proteste et se rebelle, elle est forcée de tenter Parsifal; à cet effet, elle apparaît devant lui comme une femme d'une grande beauté, appelant Parsifal par son nom. Ce nom évoque en lui des souvenirs d'enfance, l'amour de sa mère, et Kundry l'invite à ses côtés, et commence à jouer subtilement sur ses sentiments, rappelant à sa mémoire des visions de l'amour de sa mère et du chagrin qu'elle ressentit à son départ, un chagrin dont elle est morte. Ensuite elle lui parle de l'autre amour qui pourrait servir de compensation, celui de l'homme pour la femme, et finalement imprime sur ses lèvres un long baiser, fervent et passionné.

Suit un profond et terrible silence, comme si le destin du monde entier était suspendu à ce fervent baiser, puis tandis qu'elle le tient toujours dans ses bras, le visage de Parsifal change graduellement et se contracte de douleur. Il se lève soudain comme si ce baiser avait empreint son être d'une autre douleur, ses traits se crispent sa face livide et ses deux mains se pressent fortement pour comprimer les battements de son coeur et atténuer quelque horrible angoisse - la coupe du Graal lui apparaît, puis Amfortas dans la même affreuse agonie, et enfin il s'écrie: "Amfortas, oh, Amfortas! je sais maintenant - la blessure de la lance dans ton flanc - elle me brûle le coeur, elle consume mon âme.... O douleur! ô détresse! Angoisse sans nom! la blessure saigne ici, à mon propre côté!" Et il reprend, du même accent douloureux: "Non, ce n'est pas la blessure de la lance à mon côté, car c'est le feu dans

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mon coeur, c'est sa flamme qui met en délire tous mes sens, c'est la terrible folie des tourments d'amour...Maintenant je sais comment le monde entier est agité, tiraillé, convulsé et souvent perdu de honte par les terribles passions du coeur."

Kundry le tente à nouveau: "Si ce seul baiser t'a donné tant de connaissance, combien plus grande sera-t-elle si tu cèdes à mon amour, ne fût-ce qu'une heure!".

Mais maintenant Parsifal n'hésite plus; éveillé à la réalité, il distingue le bien du mal, et il répond: "L'éternité serait perdue pour nous deux si je cédais à ton amour, même pour une courte heure; mais je te sauverai et te délivrerai de la malédiction de la passion, car l'amour qui brûle en toi n'est que sensuel, et entre ceci et l'amour vrai de deux coeurs purs , il y a un abîme aussi profond qu'entre le ciel et l'enfer".

Lorsque Kundry doit enfin s'avouer vaincue, elle entre dans une violente colère et appelle Klingsor à son aide. Il apparaît avec la sainte lance, qu'il jette contre Parsifal. Mais comme il est pur et inoffensif, rien ne peut le blesser. La lance plane, inoffensive, au-dessus de sa tête. Il s'en saisit et fait avec le signe de la croix; le château de Klingsor et son jardin enchanté s'effondrent en ruines.

Le troisième acte se passe le jour du Vendredi-Saint, plusieurs années après. Un guerrier, couvert de la poussière d'un long voyage, revêtu d'une cotte de mailles noire, entre dans le domaine de Mont-Salvat où Gurnemanz vit dans une hutte. Il ôte son heaume, place sa lance contre un rocher voisin et s'agenouille pour prier. Gurnemanz arrive avec Kundry qu'il vient de trouver endormie dans un taillis. Il reconnaît Parsifal et la sainte lance. Transporté de joie, il lui souhaite la bienvenue et lui demande d'où il vient.

A sa première visite, Parsifal avait répondu "je ne sais pas" à la même

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question. Mais cette fois sa réponse est bien différente: "A force de chercher et de souffrir, je suis arrivé". La première circonstance dépeint l'une des brèves visions des réalités supérieures entrevues par l'âme, alors que la seconde est la réalisation consciente d'un niveau supérieur d'activité spirituelle atteint par celui qui s'est développé par le chagrin et la souffrance. Et Parsifal poursuit en disant qu'il a souvent été serré de près par des ennemis et qu'il aurait pu se sauver en employant la lance, mais qu'il s'en est abstenu, la considérant comme un instrument propre à guérir et non à blesser. La lance est le pouvoir spirituel qui vient à celui dont le coeur et la vie sont purs, mais qui ne doit être employé qu'à des fins désintéressées ; l'impureté et la passion causent sa perte, comme ce fut le cas d'Amfortas. L'homme qui le possède peut s'en servir à l'occasion pour nourrir cinq mille personnes affamées, mais il ne peut changer une seule pierre en pain pour apaiser sa propre faim; même s'il peut l'utiliser pour arrêter le sang coulant de l'oreille du soldat qui vient l'arrêter, il ne peut pas l'utiliser pour arrêter le sang qui coule de son propre flanc. On a toujours dite de tels êtres: "Ils ont sauvé les autres; mais ils n'ont pas pu - ou pas voulu - se sauver eux-mêmes".

Parsifal et Gurnemanz entrent dans le Château du Graal, où Amfortas est instamment prié de célébrer le rite sacré, mais il refuse afin d'éviter la souffrance que lui cause la vue du Saint-Graal; mettant sa poitrine à nu, il supplie ses compagnons de le tuer. A ce moment, Parsifal s'approche de lui et touchant de sa lance la blessure il la guérit. Toutefois, il détrône Amfortas et assume lui-même la garde du Saint-Graal et de la Lance Sacrée.

Seuls, ceux qui sont parvenus au désintéressement le plus parfait, associé au discernement le plus juste, sont qualifiés pour la possession du pouvoir spirituel symbolisé par la lance. Amfortas s'en était servi pour attaquer et

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blesser un ennemi, alors que Parsifal n'avait pas même voulu s'en servir pour se défendre. C'est pourquoi il est capable de guérir, alors qu'Amfortas était tombé dans le piège même qu'il avait tendu à Klingsor.

Au dernier acte, Kundry, qui symbolise la nature inférieure, ne prononce qu'un seul mot: Service . Elle aide Parsifal, l'Esprit, à atteindre par son intermédiaire le service parfait. Au premier acte, lors de la visite de Parsifal, elle s'était endormie . A ce stade, l'Esprit ne peut prendre son essor vers les cieux que lorsque le corps repose dans le sommeil ou dans la mort. Mais au dernier acte, Kundry, le corps, entre aussi dans le château, car il s'est consacré au moi supérieur, et lorsque l'Esprit, Parsifal, a triomphé, il a atteint le niveau de libération dont il est parlé dans l'Apocalypse: "Celui qui vaincra, j'en ferai un pilier dans le Temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus". Un tel être travaille sur les plans supérieurs à l'avancement de l'humanité; il n'a plus besoin de corps dense; il est au-delà de la Loi de renaissance, et c'est pourquoi Kundry meurt.

Dans son beau poème, "Le Nautile cloisonné", Oliver Wendel Holmes a exprimé en vers cette idée de progression constante dans des véhicules graduellement perfectionnés, vers la libération finale. Le Nautile construit la spirale de sa coquille en sections séparées par des cloisons, abandonnant sans cesse les plus petites qu'il a dépassées pour la dernière construite:

Une année après l'autre vit le labeur silencieux Qui étendit son enroulement lustré; La nouvelle spire développée, Il quitta la demeure de l'année passée pour la nouvelle, Passa sans bruit à travers son arche brillante, Construisit sa fausse porte, S'étira dans sa demeure nouvelle, délaissant l'ancienne.

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Merci pour le message céleste que tu nous apportes, Enfant de la mer aventureuse, Jeté hors de son sein abandonné! De tes lèvres mortes jaillit une note plus claire Que celle que Triton tira jamais de sa conque enroulée! Pendant qu'elle résonne à mon oreille, A travers les cavernes profondes de ma pensée, j'entends une voix qui chante:

Construis-toi des demeures plus vastes, ô mon âme! A mesure que passent les saisons rapides, Abandonne la voûte basse de ton passé! Que chaque nouveau temple, plus noble que le dernier T'abrite du ciel sous un dôme plus altier, Jusqu'à ce qu'enfin tu sois libre, Laissant ta coquille, devenue inutile, au bord de la mer agitée de la vie!

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CHAPITRE 8 - L'ANNEAU DU NIEBELUNG - Les filles du Rhin

La répétition est la note dominante du corps vital et l'extrait du corps vital est l'âme intellectuelle, nourriture de l'Esprit de vie, le véritable principe Christique en l'homme. Comme la tâche du monde occidental consiste à développer ce principe Christique, à former le Christ intérieur, afin qu'il puisse briller dans l'obscurité matérielle des temps présents, la répétition des idées est donc absolument essentielle. Inconsciemment, le monde entier obéit à cette loi.

Lorsque les journaux veulent inculquer certaines idées dans l'esprit du public, ils n'espèrent pas obtenir ce résultat par un seul éditorial même très habilement rédigé mais, par des articles revenant journellement sur le sujet ils créent graduellement dans l'esprit du public le sentiment désiré. La Bible prêche le principe de l'amour depuis deux mille ans, chaque dimanche et même chaque jour, du haut de milliers de chaires. La guerre n'a pas encore été abolie, mais avec le temps le sentiment en faveur d'une paix universelle s'accroît à mesure que le temps passe. Les sermons n'ont eu que peu d'effet du point de vue général, même si une émotion intense soulève un moment donné une

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certaine assistance, car le corps du désir est cette partie de l'homme composite qui n'est impressionnée que d'une manière passagère.

Le corps du désir est une acquisition plus récente que le corps vital; il est donc moins cristallisé et, de ce fait, plus impressionnable. Comme sa matière est plus subtile que celle du corps vital, il retient moins, et les émotions si facilement générées se dissipent de même. Une très petite impression reste sur le corps vital quand les idées et les idéaux filtrent à travers l'enveloppe de l'aura, mais tout ce qu'il reçoit par l'étude, les sermons, les conférences ou la lecture sont de nature plus durable, et plusieurs impacts dans la même direction créent des impressions plus puissantes, soit en bien soit en mal, selon leur nature.

Pour bénéficier de cette loi des impacts cumulatifs, nous entreprenons l'étude d'un autre des grands mythes de l'âme, qui projette sous un angle différent la lumière sur le mystère de la vie, afin que nous puissions apprendre d'où nous venons, pourquoi nous sommes ici, et où nous allons.

Comme déjà dit, tous les mythes sont les véhicules de vérités spirituelles voilées par l'allégorie, le symbole et l'image, et par conséquent compréhensibles sans la raison. De même que les contes de fées sont un moyen d'éduquer les enfants, ainsi les mythes ont été utilisés pour transmettre la vérité spirituelle à l'humanité en enfance.

Les Esprits-Groupes agissent sur les animaux par le moyen de leurs corps du désir, éveillant des images qui suggèrent et font sentir à l'animal ce qu'il doit faire. De même, les images allégoriques des mythes ont créé en l'homme les fondements de son développement présent et futur. Ces mythes ont agi sur lui d'une façon subconsciente, et l'ont amené au degré où il se trouve

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aujourd'hui. Sans cette préparation, il aurait été incapable d'accomplir le travail qu'il fait maintenant.

Les mythes agissent aujourd'hui encore pour nous préparer à l'avenir, mais certains d'entre nous y sont plus sensibles que d'autres. Le sentier de l'évolution et de la civilisation a suivi la course du Soleil de l'est à l'ouest, et dans l'atmosphère éthérique de la côte américaine du Pacifique, ces images mythiques ont presque disparu, et l'homme est en train de prendre contact plus directement avec les réalités spirituelles. Plus à l'est, particulièrement en Europe, une atmosphère de mysticisme couvre encore la Terre, et les habitants sont attachés aux anciens mythes qui leur parlent d'une manière qui est incompréhensible aux populations de l'ouest. La vie de l'âme des peuples qui vivent dans les fjords de Norvège, les landes et les bruyères d'Ecosse, dans les retraites de la Forêt Noire et parmi les glaciers des Alpes, est aussi profonde et mystique aujourd'hui qu'il y a mille ans. Par le sentiment, ils sont en contact plus étroit avec les Esprits de la Nature et autres réalités invisibles, que nous qui foulons le sentier du développement par la connaissance directe. Si nous réveillons ce sentiment en nous et si nous l'ajoutons à notre connaissance, nous en tirerons un avantage énorme. Essayons donc d'assimiler l'une des plus profondes histoires mystiques du passé, l'Anneau du Niebelung, le grand poème épique de l'Europe du nord. Il relate l'histoire de l'homme, depuis le temps où il habitait l'Atlantide, jusqu'à la fin de ce monde dans une grande conflagration, et l'établissement du Royaume des Cieux annoncé par la Bible.

La Bible nous parle du Jardin d'Eden où nos premiers parents, purs et innocents comme des enfants, habitaient en contact étroit avec Dieu. Elle nous décrit comment cette condition prit fin, et comment la douleur, le péché et la mort sont apparus dans le monde. Les anciens mythes, tels l'Anneau du

 

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Niebelung, présentent également l'humanité vivant dans des conditions semblables d'innocence enfantine. La première scène de l'opéra de Wagner représente la vie sous les eaux du Rhin où les filles du Rhin nagent en mouvements rythmiques imitant les ondulations des vagues dansantes et s'accompagnant de chants. Les eaux sont éclairées par un gros bloc d'or scintillant autour duquel les filles du Rhin se déplacent comme les planètes gravitent autour du Soleil; c'est la réplique microscopique du macrocosme où les corps célestes se meuvent autour du donneur de Lumière central, en une majestueuse danse circulaire.

Les filles du Rhin représentent l'humanité primitive alors que nous habitions les bas-fonds de l'océan, dans l'atmosphère dense et brumeuse de l'Atlantide. L'or qui éclaire la scène, comme le Soleil illumine l'univers solaire, représente l'Esprit Universel qui planait alors sur l'humanité. Nous ne percevions pas les contours des choses aussi nettement qu'aujourd'hui, mais notre perception intérieure des qualités de l'âme chez les autres était bien plus précise qu'elle ne l'est maintenant.

L'Esprit individuel sent qu'il est un Ego, il se désigne lui-même par "je", ce qui le distingue nettement des autres, mais ce principe séparateur n'avait pas encore pénétré dans l'homme-enfant du début de l'Atlantide. Nous n'avions pas le sentiment du "toi" et du "moi". Nous nous sentions comme une grande famille, tous enfants du divin Père. Nous n'avions pas non plus le souci du boire et du manger, pas davantage que nos enfants ne se préoccupent des nécessités de la vie matérielle. Le temps s'écoulait dans la joie et le bonheur.

Mais cet état de choses ne pouvait continuer, car il n'y aurait pas eu d'évolution. De même que l'enfant grandit et devient un adulte capable de participer à la bataille de la vie, ainsi l'humanité était destinée à quitter son foyer natal dans les terres basses et à sortir des eaux de l'Atlantide

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lorsqu'elles se sont condensées et ont noyé les bas-fonds de la Terre. L'humanité en évolution est alors entrée dans les conditions atmosphériques actuelles: elle est représentée symboliquement par les anciens Israélites traversant la Mer Rouge pour entrer dans la Terre Promise, et Noé quittant son pays natal au moment du déluge.

Le mythe nordique relate les faits d'une autre manière, mais, bien qu'ils soient vus sous un autre angle, les points principaux nous ramènent à la même idée. Dans le Jardin d'Eden, nos premiers parents ne pensaient pas par eux- mêmes. Ils obéissaient sans condition aux commandements qu'ils recevaient de leurs chefs divins, comme un jeune enfant obéit à ses parents parce qu'il n'a pas le sens du moi. L'individualité lui fait défaut. Suivant la Bible, cette qualité fut acquise quand Lucifer leur donna l'idée qu'ils pourraient devenir pareils aux dieux et connaître le bien et le mal.

Dans le mythe Teutonique on nous dit qu'Alberich était un des enfants du brouillard ("Niebel" signifie brouillard et "ung", enfant). Ils étaient ainsi nommés parce qu'ils vivaient dans l'atmosphère humide de l'Atlantide. Alberich convoitait l'or qui brillait avec tant d'éclat dans le Rhin. Il avait entendu dire que quiconque obtiendrait l'or et en formerait un anneau serait capable de conquérir le monde et de dominer tous ceux qui ne possédaient pas le trésor. Il nagea donc vers le grand rocher où se trouvait l'or, s'en empara, et remonta rapidement à la surface des eaux, poursuivi par les filles du Rhin, désolées de la perte du trésor.

Lorsque Alberich, le voleur, atteignit la surface des eaux, il entendit une voix lui dire que personne ne pouvait forger l'or en anneau et maîtriser le monde s'il n'avait pas renié l'amour, ce qu'il fit sans attendre, puis commença immédiatement à dérober tous les trésors de la Terre, et à satisfaire son désir de richesses et de puissance.

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Comme nous l'avons déjà dit, l'or à l'état brut sur le rocher du Rhin représente l'Esprit Universel qui n'est la propriété exclusive de personne, et Alberich symbolise les êtres les plus avancés de l'humanité, ceux qui furent poussés par le désir de conquérir de nouveaux mondes. Ils furent les premiers à être pénétrés par l'Esprit intérieur et ils émigrèrent vers les hauts plateaux; mais lorsqu'ils se trouvèrent dans la claire atmosphère de l'Aryana, le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui, ils se virent clairement et distinctement comme des entités séparées. Chacun compris que ses intérêts étaient différents de ceux des autres, que pour réussir à gagner le monde à soi, il faut rester seul et rechercher ses propres intérêts sans égards pour ceux d'autrui. Alors, l'Esprit traça un anneau autour de lui et tout ce qui était à l'intérieur de ce cercle était "moi" et "mien", conception qui en fit l'antagoniste des autres. Pour former cet anneau et garder un centre séparé, il lui fut nécessaire d'abjurer l'amour. Ainsi, et ainsi seulement, il put négliger les intérêts des autres afin de pouvoir s'enrichir et dominer le monde.

Alberich n'est pourtant pas seul à désirer tracer un anneau autour de lui pour obtenir le pouvoir. "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", et vice- versa, dit l'axiome d'Hermès. Les dieux évoluent aussi. Ils aspirent également au pouvoir - le désir de former un anneau autour d'eux - car la guerre est dans les cieux comme sur la Terre. Différents cultes cherchent à dominer les âmes des hommes, et leurs limitations sont aussi symbolisées par des anneaux.


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