LE VOYAGE DE KAREN DANS L'ESPACE

par

Dagmar Frahme

(Histoires de l'Ere du Verseau pour les Enfants, Vol. IV, no 1)

  "Trois - Deux - Un - Zéro - PARTEZ !"

  Une large flamme parut sur l'écran de télévision et la fusée lunaire s'élança dans l'espace.

  "Oh - dit Billy - si seulement je pouvais être dedans avec Papa!"

  "Pas moi - dit Karen - (qui avait six ans) et je souhaiterais que Papa n'y soit pas non plus. Et d'abord, pourquoi faut-il qu'il aille sur la Lune?"

  "De quoi as-tu si peur?" écoeuré demanda Billy, qui avait huit ans, et qui, aux yeux de Karen, n'avait peur de rien. "Est-ce que Papa ne t'a pas dit que tout était O.K.? Les astronautes font la mise à feu et se déplacent tout le temps."

  "Mais - dit Karen - il a seulement dit ça comme il dit que je ne devrais pas avoir peur de l'orage, ou des gros chiens, ou d'autre chose. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur, et je souhaite que la fusée revienne et que Papa soit de retour à la maison."

  "Et puis, zut - dit Billy tout à fait écoeuré - tu as même peur de ton ombre. Ne sais-tu pas que Papa est célèbre? Lorsqu'il reviendra il sera un grand héros et aura sa photo dans les journaux. Pourquoi es-tu comme un bébé?"

  Les yeux de Karen s'emplirent de larmes et elle alla dans sa chambre afin que Billy ne la voie pas. Elle essayait tout le temps de se dire qu'il était stupide d'être craintive, mais elle ne pouvait s'en empêcher. C'était comme si, chaque jour, quelque choses l'effrayait, et plus elle avait peur, plus Billy se moquait d'elle. Elle savait que son comportement déplaisait aussi quelquefois à son Papa, bien qu'il essaya de ne pas le montrer et d'être toujours aussi gentil. Elle se rappelait qu'hier, blottie dans ses bras pour lui dire au-revoir et bien qu'elle eût essayé d'être courageuse, elle n'avait pu s'empêcher de pleurer en se serrant contre lui et en disant: "Je souhaiterais que tu n'ailles pas dans la Lune". Et elle se souvenait comment, en franchissant la porte, son Papa se retourna vers elle avec un regard très malheureux et dit quelque chose à sa Maman qu'elle ne put entendre, et alors Maman parut triste aussi. Comme elle aurait souhaité pouvoir être aussi courageuse que Billy!

  "C'est l'heure de l'école, les enfants" cria Maman, et Karen essuya ses yeux, moucha son nez, et alla à la cuisine pour prendre son panier-repas. Elle était contente d'aller à l'école. Papa devait être absent pendant presque deux longues semaines, et peut-être qu'à l'école elle penserait à autre chose et ne se tourmenterait pas tant à son sujet. Billy ne désirait pas du tout y aller. Il voulait rester à la maison et suivre les nouvelles de la fusée, à la Télé, mais Maman aussi bien que Papa avaient dit non: La vie devait continuer comme d'habitude, et l'école était importante.

  Billy essaya encore d'insister et Karen entendit Maman dire: "Tu vas à l'école, maintenant, Billy. Mlle Miller a dit qu'elle allumerait la Télé à plusieurs reprises, aujourd'hui, et tous les enfants auront la possibilité de regarder."

  Karen espérait que sa maîtresse ne ferait pas regarder sa classe; elle avait encore plus peur de savoir ce que faisait Papa. Elle aurait souhaité pouvoir dormir pendant deux semaines et trouver Papa à la maison en se réveillant.

  Karen et Billy allèrent à l'école. Les enfants de la classe de Karen regardèrent la fusée à la Télé, et Karen essaya de fermer les yeux mais les enfants n'arrêtaient pas de ce tourner vers elle et disaient des choses telles que: "Oh, tu te rends compte, ton Père est là-dedans!" et elle pouvait à peine se retenir de leur montrer combien elle avait peur. En descendant pour aller déjeuner, elle croisa dans le couloir des enfants plus âgés qui la montrèrent du doigt et chuchotèrent: "Son Père est l'Astronaute" en ayant l'air réellement impressionnés, et elle réussit également à ne pas leur laisser voir sa peur.

  Ce soir-là, au souper, Billy raconta comment il avait passé la plus grande partie de la journée à raconter aux autres enfants ce que faisait son Papa, et il avait même parlé à l'un des journalistes qui se tenaient devant leur maison, bien que Maman lui eût recommandé de ne dire aux journalistes que des choses polies, telles que "Bonjour", mais de ne parler de rien d'autre. Karen pensa que c'était presque comme si l'Astronaute était Billy et non Papa.

  Karen ne dit rien, et après dîner, elle joua tranquillement avec ses poupées tandis que Billy regardait la Télé aussi longtemps que Maman le permit. Le reporter annonça que tout allait bien à bord de la fusée et elle se sentit un peu mieux. Toutefois, en allant au lit, elle recommença à s'inquiéter. Maman la serra plus fort qu'à l'habitude en venant la border et dit: "Tout ira très bien pour Papa, chérie". Malgré tout, après que Maman eût éteint la lampe et fermé la porte, Karen ne put que penser aux choses terribles qui pourraient arriver à la fusée. Elle ferma les yeux bien fort, mais pensa qu'elle ne pourrait jamais s'endormir. Peu après, elle rouvrit les yeux et vit une belle dame vêtue d'une longue robe blanche qui se tenait près de son lit et lui souriait. Karen ne fut pas du tout effrayée de voir cette étrangère... elle eut, en fait, l'impression d'avoir déjà vu cette dame quelque part mais ne put se souvenir où.

  "Viens avec moi, ma petite fille, dit la dame d'une douce voix - je veux te montrer quelque chose".

  La dame lui prit la main et Karen, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, se retrouva glissant avec la dame, à travers le mur et directement dans le ciel. Elle ne trouva pas du tout étrange de pouvoir traverser le mur ou de pouvoir glisser. Les étoiles semblaient plus brillantes que d'habitude et Karen ralentit pour regarder autour d'elle avec émerveillement. La dame la laissa regarder un moment, en souriant, puis dit: "Nous devons nous dépêcher maintenant, Karen. Tu as beaucoup de choses à voir cette nuit".

  Soudain, Karen vit quelque chose traverser rapidement le ciel, devant elles. Ce n'était certainement pas une étoile. C'était... c'était la fusée !

  "Oooooh - hurla Karen - allons-nous voir Papa?"

  "Oui, ma chérie - dit la dame - mais tu dois te rappeler, maintenant, que Papa ne pourra pas te voir... il ne saura pas que tu es là". Karen ne pensa même pas que cela était étrange...elle était trop heureuse à la pensée qu'elle allait voir son Papa.

  Comme elles arrivaient tout près de la fusée, Karen vit des sortes de formes glissant le long de celle-ci. Elles étaient nimbées de lumière dorée et rose, et Karen pensa qu'elle n'avait jamais vu d'aussi belles couleurs.

  "Qui sont-ils?" s'étonna-t-elle.

  "Tu ne sais pas?" demanda la dame, souriant à nouveau...d'un air quelque peu mystérieux.

  Karen les regarda à nouveau et essaya de réfléchir.

  "Est-ce possible ? Est-ce que... ce serait... Est-ce que ce sont des Anges?" murmura-t-elle.

  "Oui, Karen, ce sont des Anges pour les accompagner et les protéger".

  "Mais... Papa n'a jamais dit qu'il priait pour ça - dit Karen - et il n'a jamais parlé des Anges qui accompagnent".

  "Il ne sait pas que les Anges sont là, ma chérie - dit gentiment la dame - et il ne sait pas que les autres Astronautes ont prié aussi. Mais cela n'est pas vraiment important. Dieu sait, et Il a répondu à leurs prières et les Anges veilleront à ce que rien n'arrive à la fusée.

  Karen réfléchit à cela pendant quelques minutes, tandis qu'elles approchaient de plus en plus de la fusée. Elles glissèrent tout droit, dépassant les Anges qui ne souriaient pas mais avaient des regards tendres et bons, et elles pénétrèrent dans la fusée.

  L'un des Astronautes dormait (Karen pensa que c'était plutôt drôle mais ne dit rien) et un autre Astronaute consultait un plan sur lequel figuraient quantité de nombres. Le Papa de Karen était assis en avant de la fusée, surveillant les aiguilles mobiles de quelques cadrans.

  Elle aurait aimé pouvoir lui faire savoir qu'elle était là, mais se souvint de ce que la dame lui avait dit. Elle le regarda un petit moment, puis la dame dit: "Nous devons repartir, maintenant, Karen. C'est presque le matin". Karen savait que son Papa ne sentirait rien, mais elle le serre tout de même très fort. Papa ne remua pas, mais ses yeux se plissèrent, comme d'habitude lorsqu'il était heureux et il sourit d'un large sourire comme s'il était en train de penser à quelque chose de merveilleux. Karen et la dame se glissèrent hors de la fusée et s'en retournèrent vers la terre.

  Lorsque Karen se réveilla, le lendemain matin, elle sauta du lit et courut à la chambre de sa mère. Elle sauta sur le lit de sa mère et dit: "Maman, il y a des Anges autour de la fusée de Papa. Je les ai vus. Ils vont le protéger et il sera sain et sauf".

  La mère de Karen la regarda et la serra très fort. Elle eut l'air amusé et dit: "C'est merveilleux, chérie".

  Aussitôt levé, Billy mit la Télé, et ils entendirent le journaliste parler d'un instrument qui n'avait pas fonctionné sur la fusée durant la nuit. Elle ne comprit pas tout, mais elle comprit très bien lorsqu'il dit: "Les Astronautes ont réussi à détecter la panne et à réparer".

  "Ouf - dit Billy - il était temps". Puis il regarda Karen qui souriait. Il dit: "Et tu n'as même pas eu peur?"

  "Non - dit Karen calmement - je savais qu'ils réussiraient. Les Anges empêcheront qu'il arrive quoi que ce soit à la fusée, parce que Dieu les a envoyés pour la protéger"

  "Hein - dit Billy en la regardant plus durement."

  "Elle a raison, mon chéri - dit Maman - nous avons tous oublié Dieu alors que, justement, nous aurions dû penser à Lui très fortement".

  Ce matin-là, Karen partit en sautillant à l'école et Billy avait même du mal à la suivre. Cette journée et les quelques jours suivants passèrent très rapidement. Chaque jour, les nouvelles des Astronautes étaient bonnes. Quelquefois, les gens de la télévision prenaient des photos de Karen et Billy, allant à l'école ou jouant au dehors; il y avait de nombreux appels téléphoniques de Grand-Mère et de Grand-Père et d'amis qui habitaient loin.

  Il y eut aussi beaucoup de visiteurs, et le temps passa si vite qu'avant que Karen put s'en apercevoir, le jour vint du retour des Astronautes sur la terre.

  Ce matin-là, lorsque Karen descendit, elle trouva le poste de Télé déjà allumé, et Maman, assise devant avec des larmes dans les yeux. Billy était assis par terre, près d'elle, suçant son pouce et semblant près de pleurer aussi.

  "Le contact avec les Astronautes avait été interrompu depuis environ cinq heures" annonça le speaker. "Bien que le Centre de contrôle ait dit que l'espoir n'est pas perdu, le sentiment officiel, ici, est une profonde inquiétude".

  Karen ne saisissait pas bien ce que ces grand mots voulaient dire, mais elle comprenait que tout le monde était soucieux. Cependant, elle n'était pas inquiète - mais pas du tout. Elle savait que les Anges prenaient soin de Papa et qu'il n'y avait pas de souci à se faire. Puis elle regarda le visage triste de Maman et celui de Billy qui tâchait d'essuyer ses larmes avant qu'elle les vit... Billy qui jamais ne pleurait.

  Une idée lui vint; elle dit en regardant sa mère: "Papa a prié pour que Dieu le protège, et c'est pourquoi Dieu a envoyé les Anges. Mais peut-être devrions-nous prier aussi afin que Dieu sache que, nous aussi, nous voulons que Papa soit sain et sauf".

  Maman regarda Karen et la souleva contre elle "Bien sûr, chérie, murmura-t- elle, c'est la seule chose à faire."

  Ainsi, ils prièrent tous ensemble et dirent à Dieu combien ils aimaient Papa et Lui demandèrent qu'Il veuille bien faire que Papa soit sain et sauf et qu'Il le ramène à la maison. Puis ils se relevèrent et essayèrent de faire tout ce qu'ils faisaient d'habitude le matin.

  Karen prit un copieux petit déjeuner et Billy mangea quelque chose, mais Maman but seulement du café et, à de nombreuses reprises, se moucha très fort.

  Karen savait que Maman était tourmentée et souhaitait tant que Maman eût pu voir les Anges, car elle saurait ainsi que tout irait bien. Karen lui avait parlé plusieurs fois des Anges, et Maman souriait à chaque fois tendrement et parfois la serrait contre elle, mais Karen avait l'impression que Maman ne la croyait pas tout à fait.

  Ce matin-là, pour la première fois, Maman dit que Karen et Billy n'avaient pas à aller à l'école. Karen voulait y aller, mais maintenant il y avait plein de monde au dehors, des gens de la télévision, des journalistes, plus que jamais, et des étrangers aussi, et Maman dit que, jusqu'à ce qu'ils aient des nouvelles de Papa, il était préférable que Karen et Billy restent à l'intérieur ou jouent dans la cour arrière.

  Pendant les quelques heures qui suivirent, il y eut beaucoup de tumulte autour de la maison. Les voisins entrèrent et sortirent et une dame serra Maman contre elle, et elles commencèrent à pleurer ensemble, et un monsieur qui travaillait avec les Astronautes vint dans une grande voiture officielle, et tous les gens de la Télévision prirent des photos au moment où il entra dans la maison. Il parla longuement, à voix basse, à Maman, et Karen entendit seulement Maman dire: "Non, je vous remercie, mais il est préférable que je sois ici avec les enfants quand vous aurez des nouvelles. Ce sera mieux si je reste avec eux".

  Le téléphone sonna sans arrêt et Grand-Mère et Grand-Père dirent qu'ils allaient arriver par le prochain avion.

  Karen regarda tous ces gens soucieux et se sentit très triste pour eux. Elle essaya de leur dire que les Anges prenaient soin de son Papa, mais ils dirent seulement des choses telles que "Dieu bénisse son âme" ou "Cette charmante enfant" mais aucun ne parut content de ce qu'elle leur dit, et une dame commença même à pleurer. Finalement, Karen alla dans la cour arrière et joua toute seule.

  Billy était toujours assis devant la Télé qui avait repris, maintenant, ses programmes habituels que le speaker interrompait à chaque instant, pour dire: "Mesdames et Messieurs, il n'y a aucune nouvelle des Astronautes disparus". Karen essaya d'entraîner Billy au-dehors avec elle, mais il secoua seulement la tête sans rien dire, et même Maman, pour une fois, ne lui dit pas de cesser de regarder la Télé.

  Karen était dans la cours depuis environ une heure, lorsque Billy ouvrit la petite porte en hurlant: "Karen, viens vite". Et il claqua la porte avant même qu'elle ait eu le temps de lever les yeux. Elle se rua dans la maison et trouva une foule de gens devant la Télé. On y voyait une image très brouillée, de l'eau avec quelque chose de gros qui ballottait dedans et que Karen ne pouvait identifier.

  Tout le monde parla en même temps. Maman étreignit Billy et cette fois Billy l'étreignit en retour (Billy disait toujours que les étreintes c'était bon pour les filles) et pendant une minute, personne ne remarqua Karen. Enfin Billy la vit et se sépara de Maman.

  "Papa est de retour, il est sain et sauf, ils avaient amerri et personne ne le savait car quelque chose ne fonctionnait pas et ils n'avaient pas pu donner de leurs nouvelles pendant l'amerrissage, jusqu'à ce qu'ils soient là, mais l'homme du navire vient de leur parler et ils vont être recueillis."

  "Papa va bien, il va bien!" Billy se mit à bondir comme un sauvage. Karen sourit "Je le sais" dit-elle. Billy s'arrêta de sauter et la regarda: "Tu l'avait vraiment su tout le temps? Tu n'avais pas inventé quand tu parlais des Anges?" "Non, je n'avais pas inventé - dit Karen - je les avais réellement vus et ils étaient très beaux."

  Les gens se retournèrent pour sourire à Karen et Maman vint et la tint serrée contre elle. Puis les gens regardèrent à nouveau la Télé et commencèrent à parler, mais soudain Karen se rappela quelque chose.

  "Peut-être devrions-nous maintenant remercier Dieu d'avoir envoyé les Anges - dit-elle calmement - Ils ont ramené Papa sain et sauf à la maison, n'est- ce pas ? Peut-être Dieu aimerait-Il savoir que nous sommes heureux"?

  Chacun dans la pièce fut soudain très silencieux, en regardant Karen à nouveau, puis en se regardant les uns les autres.

  Quelqu'un baissa le son de la Télé et alors un homme, à la voix plutôt grave, commença à dire une prière pour adultes. Tous les gens inclinèrent la tête et certains joignirent leurs mains. La prière pour adultes était pleine de grands mots et Karen ne la comprenait pas très bien.

  Mais alors elle sourit et ferma les yeux et dit sa propre prière, très doucement, afin que Dieu seul put l'entendre.

  "Mon Dieu, merci d'avoir ramené Papa à la maison sain et sauf. Et je Te prie aussi de remercier les Anges pour moi. Et je me souviendrai de prier comme Papa l'a fait, et je sais que tu enverras les Anges pour m'aider aussi, si j'en ai besoin, et je n'aurai plus jamais peur désormais".

  


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