LE SAC D'OR MAGIQUE

par

Adelaide L. Walker

(Histoire de l'Ere du Verseau pour les Enfants, Vol. IV, no 3)

  Dans un beau pays très lointain vivait un roi bon et bienveillant. Il avait de nombreux enfants, et lorsque l'un d'eux était prêt à partir en voyage à travers le monde afin de se réaliser, il lui était remis un sac d'or magique.

  Vint le temps pour le Prince Jolly et la Princesse Prudence de s'en aller à leur tour. Le roi les fit venir et dit, en tendant à chacun le sac d'or magique:

  "Mes enfants, ce sac d'or a des pouvoirs magiques, s'il est utilisé pour de justes motifs, il ne sera jamais vide, mais s'il sert à des fins mauvaises ou égoïstes, il se videra très vite et ne pourra plus jamais être rempli. Et voici une pelote de fil d'argent qui a également des pouvoirs magiques. En cas de difficulté, tirez doucement, et l'aide arrivera immédiatement, mais en AUCUN CAS ne cassez le fil, car s'il n'est jamais rompu, il vous ramènera à la maison. Et maintenant, mes voeux vous accompagnent. Rapportez un don".

  "Oh, merci Père!" s'écrièrent-ils tous deux. Puis, tout heureux, ils prirent la route en parlant gaiement des merveilleuses choses qu'ils allaient faire et voir.

  Chemin faisant, Prudence vit un petit oiseau tombé du nid, et dont l'aile était cassée. Elle le ramassa très délicatement. "Oh, mon frère, dit-elle, regarde, sa petite aile est cassée. Viens m'aider à la remettre". A contre-coeur, le prince l'aida à préparer une attelle et à fixer l'aile. Avec quelques brindilles et de l'herbe, Prudence fit un nid dans lequel elle déposa très doucement l'oiseau, afin de ne pas le heurter. Elle lui donna à boire, à intervalles très rapprochés.

  "Que vas-tu faire avec lui?" demanda le Prince Jolly.

  "Le soigner jusqu'à qu'il puisse voler. Un jour, il se trouvera une compagne et fondera un foyer" répondit Prudence.

  Un autre jour, ils virent un petit enfant qui pleurait amèrement.

  "Oh, pauvre petit chéri, qu'as-tu?" demanda la Princesse Prudence.

  "J'ai faim" sanglota l'enfant.

  "Où habites-tu?" demanda la princesse. L'enfant montra du doigt une petite cabane, un peu plus loin. Elle était isolée dans une forêt de très grand arbres.

  "Mon frère,- dit la princesse, allons à cette cabane. Nous pourrons peut- être aider les gens; sans aucun doute, ils sont dans l'ennui".

  "Si tu as l'intention de t'arrêter pour aider chaque oiseau, animal ou personne que nous rencontrerons, nous n'arriverons jamais nulle part. Je veux voir le monde et prendre du bon temps", dit le Prince Jolly, en faisant la moue.

  "Seulement cette fois-ci, je t'en prie, Jolly" supplia Prudence.

  "Bon d'accord, mais c'est la dernière fois".

  Prudence prit la main de l'enfant, en disant gentiment: "Conduis-nous à ta maison, mon chéri, et nous verrons ce qui peut-être fait pour te donner à manger".

  En quelques minutes, ils atteignirent la cabane. Elle ne se composait que d'une grande pièce, avec un coin pour la cuisine. Sur le lit était étendue une femme, très pâle, tenant un bébé malade dans les bras. Prudence s'approcha de la femme, les yeux remplis de compassion.

  "Que puis-je faire pour vous? Etes-vous seule?" demanda-t-elle.

  "Oui, répondit la femme, John, mon mari, est parti chercher un docteur, hier, et n'est pas encore revenu. Alors, le bébé est tombé malade et je suis moi-même trop malade pour faire quelque chose pour Jeannette. Elle a faim et est trop petite pour s'occuper d'elle-même; elle n'a que cinq ans. C'est Dieu qui a dû vous envoyer; j'ai tellement prié pour de l'aide". Ses yeux étaient remplis de larmes.

  "Alors maintenant, ne parlez plus" recommanda Prudence.

  "Je vais trouver quelque chose pour Jeannette". Assise sur le lit, près de sa mère, la petite fille suivit Prudence du regard. Prudence trouva du pain, du lait et des fruits, du beurre et des oeufs. Elle fit du thé pour la femme, et tandis que l'eau chauffait pour le bain du bébé, elle donna à manger à Jeannette. Pendant que la maman mangeait, Prudence baigna le bébé. Jeannette la regardait faire, de ses grands yeux noirs. Lorsqu'elle eut rendu à sa maman le bébé tout propre et sentant bon, Prudence alla vers la porte où le Prince Jolly était assis, la mine renfrognée.

  "Jolly, je vais rester ici jusqu'à ce que la femme soit suffisamment rétablie pour faire son travail. Toi, va en ville pour voir si tu peux trouver Monsieur White et le docteur. La femme est très malade."

  "Je ne reviendrai pas; j'ai l'intention de voir le monde et de prendre du bon temps" dit Jolly, et il se leva et s'éloigna sans un autre mot. Prudence le regarda tristement pendant un moment, puis rentra dans la cabane.

  "Jeannette, veux-tu nourrir le petit oiseau, pendant que je nettoie la maison?" demanda-t-elle.

  "Oh, mon Dieu! que lui est-il arrivé?" demanda Jeannette en voyant l'aille bandée. Prudence lui raconta tout puis lui montra comment le nourrir d'une petite goutte d'eau à la fois, ou d'une miette de pain, ou d'une graine. Quand la maison fut propre et le lit de Madame White bien refait, Prudence s'assit et elles parlèrent tranquillement.

  C'était deux jours avant que Monsieur White ne revienne avec le docteur et beaucoup de provisions. Prudence comprit que son frère s'en était occupé, mais le Prince Jolly ne revint pas, et de nombreuses années allaient s'écouler avant qu'elle ne revoie son frère.

  Prudence resta dans la cabane pendant trois semaines, puis poursuivit son chemin, toujours en aidant les autres, en faisant tout ce qu'elle pouvait pour égayer et réconforter les tristes, nourrir les affamés, et elle se réjouissait de voir que son sac était toujours plein, quel que fût le nombre de fois où elle y puisait. Et elle parlait toujours de sa maison et du jour où elle y reviendrait.

  De nombreuses années s'écoulèrent; Prudence se sentit fatiguée et souhaita retourner chez son Père, aussi se mit-elle en route très lentement. Comme elle était contente de voir sa pelote de fil d'argent briller de tout son éclat, sans la moindre effilochure, son sac d'or magique toujours plein, et d'avoir son don.

  Bien sûr, elle n'était pas tout à fait contente de ce don. Elle aurait souhaité devenir une grande musicienne, ou artiste, ou auteur écrivant de beaux poèmes et des histoires qui auraient soulevé le coeur des hommes, mais son cadeau était seulement une vie de service aimant. Cela paraissait plutôt piètre, comparé à ces autres dons, mais elle sentait que le Père serait content.

  La Princesse Prudence cheminait lentement et un jour, elle vit un vieil homme marchant avec une canne, voûté et perclus de rhumatismes. Il paraissait si triste et abandonné qu'elle courut vers lui pour lui dire une parole de réconfort et toute surprise, se trouva en présence de son frère, le Prince Jolly.

  "Oh, mon frère, comme je suis contente de te voir!" s'écria-t-elle.

  "Prudence! est-ce toi? Comme tu es jeune et belle! Et ton sac est toujours plein" s'exclama-t-il.

  "Oui, deux voleurs avaient essayé de me le dérober, mais j'avais tiré doucement sur la corde d'argent, et Père m'avait aussitôt envoyé de l'aide", lui dit la princesse.

  Le prince Jolly soupira tristement. "Mon sac est vide, et depuis très longtemps. J'avais tout oublié de ce que Père nous avait dit, dans mon désir de prendre du bon temps."

  "As-tu profité de la vie, Jolly?" demanda doucement Prudence, regardant avec compassion l'homme brisé qui se tenait devant elle.

  "Pendant une période, je le fis, mais l'or s'en alla si rapidement que bientôt il ne me resta plus rien. J'essayai de travailler, mais ma santé s'altéra et ce furent les autres qui durent prendre soin de moi".

  Tandis qu'il parlait en s'apitoyant sur lui-même, des larmes emplirent les yeux de Jolly.

  "Pourquoi ne pas me l'avoir fait savoir, Jolly, demanda sa soeur, je t'aurais aidé avec joie".

  Jolly répondit en rougissant: "J'entendais tellement parler de tes bonnes actions que j'avais honte."

  "Oh, j'en suis désolée. Mais mon frère, je vois que ta pelote de fil d'argent est plutôt éraillée et il y a là un endroit où la corde est presque cassée en deux. Qu'est-il arrivé?" questionna la princesse.

  Le prince Jolly baissa honteusement les yeux, ne pouvant rencontrer le regard de sa soeur.

  "Mon frère", dit gentiment Prudence, tu ne l'as pas fait exprès?"

  Le prince secoua la tête, puis murmura: j'étais malade, ne savais où aller, n'avais pas d'argent, pas d'amis. La corde était presque cassée en deux, lorsque je me souvins de ce que Père avait dit: "En aucun cas, ne coupez le fil; tirez doucement dessus, et je répondrai à votre prière". Donc, je tirai un petit coup et quelqu'un me trouva et m'emmena à l'hôpital. Au bout d'un certain temps, je pus travailler rien que pour ma pitance, mais j'essayai vraiment d'aider les autres, et une fois, je pus empêcher quelqu'un de casser son fil".

  "J'en suis très contente. Je sais que Père te pardonnera et te donnera une autre chance" dit la Princesse en l'encourageant. "Mais, ma soeur, je n'ai aucun don à lui présenter soupira Jolly. "Oh, si, tu en as un, il est là dans tes mains. La vie que tu as sauvé de la destruction, et la nourriture et le docteur que tu avais envoyés à Madame White et son mari. Sans toi, mon cher frère, elle serait morte. Te souviens- tu?" demanda Prudence.

  "Crois-tu que Père acceptera ce présent", demanda anxieusement le Prince Jolly, une lueur nouvelle dans les yeux.

  "Je sais qu'il le fera" répondit la Princesse. Nos présents peuvent sembler petits à nos propres yeux, mais nous ne savons pas comment ils apparaîtrons à ses yeux".

  Sur le chemin de retour, Prudence accorda ses pas à ceux plus lents de son frère, et enfin ils arrivèrent auprès du roi, leur Père, qui vint à leur rencontre.

  Au Prince Jolly il dit tristement: "Mon fils, tu n'as pas fait trop bien, cette fois, mais après un long repos et une purification totale de ton âme, tu devras partir à nouveau, et je sais que tu feras mieux. Ton présent te vaut cette chance". Doucement, le Père posa ses mains sur les yeux fatigués et fit dormir le prince.

  A Prudence il dit: "Tu as très bien réussi, en effet, et tu t'es qualifiée pour une tâche plus élevée. Entre dans la joie du royaume. Ton présent m'est très précieux."

  


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